Dans un discours diffusé lundi soir à la télévision, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a également accusé l’Allemagne de soutenir « implacablement » le terrorisme.
La Turquie prendra « toutes les mesures diplomatiques possibles » et saisira la Cour européenne des droits de l’homme, a déclaré lundi 13 mars le président du pays, Recep Tayyip Erdogan, à la suite du refus des autorités néerlandaises d’autoriser les meetings de deux ministres turcs aux Pays-Bas au cours du week-end.
D’autres interventions de ministres turcs ont également été annulées ces derniers jours en Allemagne, Autriche, Suède, Suisse, pour des raisons de sécurité ; ce qui a provoqué de vives tensions entre ces pays et la Turquie. Les ministres turcs comptaient promouvoir auprès de la diaspora turque la réforme renforçant les pouvoirs du président Erdogan qui sera soumise à référendum le 16 avril en Turquie.
Mesures de rétorsion
Lundi soir, Ankara a adopté une série de mesures de rétorsion visant les Pays-Bas. Le gouvernement a décidé de suspendre les rencontres bilatérales de haut niveau, et l’ambassadeur néerlandais est déclaré persona non grata. « Il a été décidé que jusqu’à ce que les conditions que nous avons posées soient remplies, l’ambassadeur néerlandais ne sera pas autorisé à revenir », a affirmé le vice-premier ministre turc, Numan Kurtulmus, après une réunion du conseil des ministres. En outre, le gouvernement va demander au Parlement turc de dénoncer le traité d’amitié unissant les deux pays.
Dans un discours diffusé lundi soir à la télévision, M. Erdogan a également accusé l’Allemagne de soutenir « implacablement » le terrorisme et qualifié un journaliste germano-turc détenu en Turquie d’être un espion et un terroriste. Le président turc a déclaré que l’Allemagne – que la Turquie accuse de longue date d’accorder l’asile à des militants de la cause kurde et à des suspects recherchés pour le coup d’Etat manqué du 15 juillet 2016 – « offrait de manière cruelle un soutien au terrorisme ». Il a également critiqué Mme Merkel pour le soutien qu’elle a exprimé au premier ministre néerlandais, Mark Rutte, dans la crise diplomatique qui oppose La Haye et Ankara.
Angela Merkel a jugé « aberrantes » ces accusations et refuse la surenchère, selon son porte-parole, Steffen Seibert, lundi soir. « La chancelière n’a pas l’intention de participer à un concours de provocations », a-t-il indiqué.
Prudence pour les voyageurs
Les Pays-Bas ont appelé lundi leurs ressortissants en Turquie à la prudence. Dans un nouvel avis aux voyageurs, le site du ministère des affaires étrangères prévient : « Il y a depuis le 11 mars des tensions diplomatiques entre la Turquie et les Pays-Bas. Restez vigilants et évitez les rassemblements et les endroits très fréquentés. » Les Pays-Bas ont également déconseillé de voyager près des frontières avec la Syrie et l’Irak, et répété que les voyageurs pouvaient s’enregistrer auprès de l’ambassade.
De leur côté, les autorités turques se sont plaintes du comportement de la police néerlandaise ce week-end à Rotterdam. Dans une note diplomatique, le ministère des affaires étrangères turc considère que l’intervention policière contre des manifestants qui s’étaient rassemblés dans la nuit de samedi à dimanche devant le consulat de Turquie était disproportionnée. La police néerlandaise a utilisé des chiens et un canon à eau pour disperser les centaines de partisans d’Erdogan qui s’étaient regroupés devant le bâtiment.
Appels au calme
L’Union européenne exhorte Ankara « à s’abstenir de toute déclaration excessive et d’actions qui risqueraient d’exacerber la situation », a affirmé dans une déclaration la responsable de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, cosignée par le commissaire Johannes Hahn, chargé de la politique de voisinage de l’Union.
La diplomatie américaine a elle aussi appelé au calme la Turquie et les Pays-Bas. « Ils sont tous les deux des partenaires solides et des alliés de l’OTAN. Nous leur demandons simplement d’éviter l’escalade et de s’efforcer de régler la situation », a plaidé un haut responsable du département d’Etat. Ce diplomate américain a précisé que la nouvelle administration de Donald Trump n’était pas directement intervenue auprès d’Ankara et de La Haye, parce que ce sont de « solides démocraties » qui « peuvent régler cela entre elles ».
« J’encourage tous les alliés à faire preuve de respect mutuel, à être calmes et à avoir une approche mesurée, pour contribuer à une désescalade des tensions », a déclaré le chef de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, Jens Stoltenberg.
Jean-Marc Ayrault, le ministre des affaires étrangères français, a critiqué l’attitude de la Turquie : « Quand les gens utilisent des mots comme “fascisme” ou “nazis”, ce n’est pas acceptable parce que ce sont des mots très violents », lors d’une conférence de presse à Stockholm avec son homologue suédoise, Margot Wallström.
Les relations entre Ankara et ses partenaires européens se sont dégradées à la suite des purges mises en œuvre depuis la tentative de putsch de l’été dernier. Le pouvoir turc soupçonne les Européens de chercher à favoriser une victoire du non au référendum du 16 avril portant sur un renforcement des prérogatives rattachées à la fonction présidentielle, une issue qui serait un revers cuisant pour le président turc.
Aux Pays-Bas, cette affaire survient avant les élections législatives prévues mercredi, où le parti du député anti-islam Geert Wilders talonne celui de Mark Rutte dans les derniers sondages.