Au moment où les prix des céréales connaissent une hausse inquiétante, et alors que le FMI ne cesse d’alerter sur l’impossibilité de soutenir durablement le système des subventions, on se demande si le gouvernement aura les moyens de maintenir le plafond du prix du pain.
Pour sûr, à mesure que la question ira en accaparant le bruit public, on imagine bien que le gouvernement va s’empresser de monter au créneau pour démentir toute future hausse du pain.
Le produit est aussi stratégique que la question de sa subvention au profit de la population est un enjeu politique et à forte charge symbolique. Avec cette différence que la marge de manoeuvre budgétaire n’est plus la même depuis la baisse des revenus pétroliers et qu’il est avéré que continuer dans le système des subventions impose déjà la recherche de ressources que le gouvernement semble avoir du mal à diversifier.
La vraie mauvaise nouvelle a commencé cette semaine avec ce signal parti des Etats-Unis, à la bouse de Chicago plus précisément, où les prix du maïs, du blé et du soja ont bondi, face à des précipitations exceptionnelles aux Etats- Unis, premier producteur mondial, où l’on craint que la qualité des cultures en pâtissent. Ces précipitations, qui provoquent des inondations et ont duré près d’une semaine, ont particulièrement soutenu les marchés du soja, pour lequel, contrairement au blé de printemps et au maïs, les agriculteurs sont nettement en retard dans les semis. Le ministère américain de l’agriculture (Usda) parle d’un certain retard dans les cultures par rapport à cette période de l’année.
Pour ce qui est du blé, les cultures d’hiver sont en train d’être moissonnées, et elles souffrent des vents et des fortes pluies, qui nuisent à la qualité comme à la quantité. Dans les marchés internationaux, on s’inquiète parallèlement du temps sec en France, où les perspectives se sont récemment dégradées pour le blé, premier fournisseur d’Algérie et du Maghreb, alors que l’on soulève des inquiétudes météorologiques en Argentine. En Europe, la vague de chaleur risque de créer de l’échaudage (absence de formation de grains ou la présence d’épis vides), amenant le marché à se mettre en protection et à monter des deux côtés de l’Atlantique.
Le boisseau de blé pour septembre, là encore le plus actif, valait 5,6300 dollars contre 4,9250 dollars à la clôture de vendredi dernier. Ces craintes sur les prix du blé se conjuguent à une hausse des importations des céréales en Algérie. Selon le Centre national de l’information et des statistiques des douanes (Cnis), ces importations ont couté 1,31 milliard de dollars durant les quatre premiers mois de 2015, contre 1,14 à la même période de 2014, soit une hausse de +14,8%.
En 2014, la facture des importations algériennes des céréales s’était établie à 3,54 milliards de dollars, en hausse de 12% par rapport à 2013. Selon le ministère de l’Agriculture, et malgré les conditions climatiques défavorables, la récolte céréalière devrait atteindre les 43 millions de quintaux contre 35 millions de quintaux en 2014, soit une hausse de 20%. Il s’agit d’un optimisme qu’il convient de pondérer avec les recommandations du Fonds monétaire international, lequel vient récemment de relancer ses appels pour une politique macroéconomique «prudente».
En visite à Alger, début juin une délégation du FMI avait considéré que les modèles de croissance basés sur les dépenses publiques tirées par l’industrie pétrolière et où la richesse pétrolière est partagée par le biais des subventions et de l’embauche dans la fonction publique», appartiennent au passé et qu’il fallait y renoncer, sous peine de devoir procéder plus tard à un ajustement «plus brutal et coûteux».
Quant au prix du pain, la question est posée quasi annuelle, notamment par les artisans boulangers, alors que l’on assiste depuis une décennie à des interventions du ministère du Commerce ou de l’Ugcaa. Il est à redouter que cette fois la décision, encore une fois sans surprise, de faire subir la hausse des prix mondiaux des céréales, par le budget de l’Etat, ne soit pas aussi facile à gérer.
Depuis que le débat national a été lancé sur les alternatives aux politiques basées uniquement sur les recettes pétrolières, la question des subventions étatiques a fait couler beaucoup d’encre, même s’il y a encore consensus sur leur nécessité. Ainsi, l’expert économiste, Mustapha Mekidèche, a préconisé, récemment, d’engager une réforme de la politique des transferts sociaux et des subventions.
Si au niveau de l’APN, comme ce fut le cas lors du débat sur la loi du règlement budgétaire en janvier dernier, les députés ont refusé toute modification du système des subventions, l’ancien ministre des Finances, Mohamed Djallab, traduisant certainement une tendance qui ira s’affermissant, avait suggéré une nouvelle démarche limitant les subventions aux seules couches défavorisées. Bientôt une carte de démunis pour se rendre chez le bou-langer ?
N. B.