Faute d’un gouvernement légitime et d’une justice indépendante, le procédé n’a pas eu l’effet escompté.
Visiblement désemparé face une inédite insurrection citoyenne, confronté à une crise multiforme, le régime, malgré une série d’échecs à apporter une solution appropriée à la mesure de l’enjeu, n’a pas trouvé mieux que de recourir à la réintroduction des éléments de division, selon les vieilles méthodes éprouvées. Dernier artifice en date : l’interdiction de l’emblème amazigh dont l’âge se confond, pourtant et presque, avec l’indépendance du pays.
En dépit d’une réponse cinglante de la population qui est descendue en masse vendredi dernier, dans tout le pays, et qui s’est répétée hier par la marche des étudiants, le pouvoir, désavoué de nouveau, continue sa traque contre les porteurs de cet emblème. Parallèlement, des armées de “mouches électroniques”, selon un vocable populaire, s’emploient à polluer le débat et à susciter les divisions sur les réseaux sociaux. Si la manœuvre a été déjouée, la polémique s’est incrustée subrepticement si l’on se fie aux échanges enflammés sur la “planète bleue”. Le procédé, à vrai dire, n’a rien d’original. Il fait partie de la panoplie des méthodes utilisées par le régime depuis le coup de force de 1965 pour neutraliser toute opposition et discréditer toute entreprise contestant sa légitimité.
Après avoir procédé à une espèce de rite sacrificiel, en écartant le président déchu, le système a cru pouvoir venir à bout de la mobilisation en activant la justice contre les détournements économiques, en offrant des “têtes” à l’opinion publique et en procédant à quelques modifications de façade. Mais faute d’un gouvernement légitime et d’une justice indépendante, le procédé n’a pas eu l’effet escompté. D’où le recours à la réintroduction des éléments de division qui ont longtemps piégé l’émancipation du pays et plombé son développement.
Car, après l’emblème, il n’est pas exclu que la carte islamiste soit, de nouveau, instrumentalisée pour accentuer davantage les schismes au sein de la population comme pourrait le laisser suggérer cette sortie pour le moins incongrue d’Abdallah Djaballah, l’homme pourtant catalogué d’opposant au régime, après celle de Makri. Loin d’aller dans le sens de la mobilisation populaire, sa justification des arrestations des porteurs de l’emblème amazigh, au-delà de son aversion à l’identité plurielle de l’Algérie, est un soutien objectif aux puissants du moment même si en filigrane se dissimule, pour lui, l’enjeu de la consécration des libertés.
Cette tentation du pire, à quelques jours de la fin, dans l’esprit de la Constitution, de la validité de l’article 102, suscite de légitimes interrogations. Le régime est-il irrémédiablement hostile à toute solution qui consacre la restitution du pouvoir au peuple, comme en témoignent les attaques, via ses relais, contre toute figure pouvant émerger de la société ? Ou les différents segments du pouvoir peinent-ils à trouver un consensus en leur sein pour une approche commune de sortie de crise ?
Ce n’est pourtant pas les solutions qui manquent, pour peu qu’il y ait la volonté. “La solution la plus sage, au-delà des problèmes formels, c’est d’afficher face au reste du monde une volonté commune, portée par le peuple et son armée. D’où la nécessité de trouver une personne ou un groupe de personnes consensuelles, en qui la troupe et ses officiers auraient confiance et en qui la population doit se retrouver, dans ses volontés d’émancipation et d’être prise en considération”, préconise Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d’Algérie et fin connaisseur des mécanismes de fonctionnement du “système” dont l’effondrement, selon lui, est une “vue de l’esprit”.
Karim Kebir