L’Arabie saoudite a condamné les attentats de Paris et le Qatar a maintenu la visite de son Premier ministre en France au lendemain de la tragédie. L’aplomb, avec lequel le royaume saoudien et l’émirat voisin se démarquent de l’action terroriste salafiste, contraste avec la constance de leur soutien à cette entreprise.
La responsabilité du wahhabisme dans l’éclosion et l’expansion de la doctrine islamiste qui inspire le terrorisme international n’est plus à prouver. Mais cet état de fait n’a jamais constitué un handicap diplomatique pour le royaume et ses émirats satellites. À la faveur d’un contexte économique et géopolitique qui, depuis au moins deux décennies, leur est favorable, ces États ont pu tranquillement se consacrer à la promotion de l’idéologie islamiste conquérante et au renforcement de ses structures de propagande et de subversion.
C’est qu’en plus d’être d’importants pourvoyeurs des économies industrialisées en énergie, il s’agit d’États-caisses dont les puissances se disputent inlassablement les commandes. En ces temps de crise rampante, il n’est pas aisé de se passer d’une si précieuse clientèle. À cette fonction économique, s’ajoute leur rôle dans la stabilité – même précaire – d’un Moyen-Orient à fort potentiel belliciste.
Les régimes musulmans à forte connotation théocratique – ce qui, à des degrés divers, est le cas général – ont contribué à l’éclosion de la force maléfique, soit par leur soutien politique et matériel, soit par leur empressement conciliateur autour des idéologues et des stratèges de l’islamo-terrorisme. À commencer par l’Iran, avant que l’Arabie ne phagocyte quasi exclusivement le mouvement terroriste dominant, le salafisme.
Tant que la violence islamiste était contenue dans son “espace culturel”, le monde se limitait à s’en offusquer. Il se gardait même de s’interroger sur son fondement doctrinal, abandonnant cette tâche à la préoccupation de quelques experts érudits. Ce n’était pas une question politique. Mais lorsque le terrorisme islamique étendit son champ stratégique au monde, et à l’Occident en particulier, les puissances concernées eurent du mal à aller sonder le fondement profond de cette entreprise, terroriste dans son action et totalitaire dans sa vision.
Pour les raisons citées plus haut, les dirigeants mêmes des pays victimes du terrorisme rejettent toute analyse qui les obligerait à reconsidérer leurs rapports à l’Arabie saoudite et aux autres émirats du Golfe. Plutôt que de prendre le risque de s’aliéner des acteurs décisifs de l’équilibre régional et partenaires économiques stratégiques, ils préfèrent prendre la problématique du terrorisme par le mauvais bout : celui d’une violence idéologiquement et politiquement désincarnée.
L’Arabie saoudite et les Émirats ont l’avenir de leur rente. Et le terrorisme a l’avenir de ses États-sponsors.