Le projet de loi sur les hydrocarbures suscite toujours autant de débats vifs que des critiques de la part de la société civile et la classe politique, estimant qu’il menacerait «le patrimoine richesse du peuple et la souveraineté nationale». Le PDG de Sonatrach, Rachid Hachichi, lui, ne l’entend pas de cette oreille. À l’instar du gouvernement, il rejette les critiques émises en ce sens et assure que ce texte de loi n’obéit qu’à «la seule réalité économique et l’intérêt national».
Même si les appels pour son report émanent de partout, le patron de la compagnie pétrolière nationale a vanté les modifications apportées dans le nouveau projet de loi, estimant que «l’intérêt et les inquiétudes manifestées par ce texte est un signe que l’Algérien est jaloux sur son pays et très regardant sur l’exploitation de ses richesses». «Nous ne sommes pas d’accord avec la presse nationale sur certains écrits et commentaires rapportant des chiffres erronés. Des commentaires et des jugements émis sans consulter même pas le texte du projet de loi », a ainsi déclaré Rachid Hachichi devant la commission des Affaires économiques, du développement, de l’industrie, du commerce et de la planification à l’Assemblée populaire nationale (APN).
«Je dois apporter des correctifs : cette loi est destinée principalement à Sonatrach et l’Algérie est ouverte sur tout probable partenariat qui garantisse l’intérêt national », a-t-il poursuivi, assurant que les modifications apportées ne concernent que les deux volets exploration et production. Le premier responsable de Sonatrach a avoué toutefois que « tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire que l’Algérie besoin d’une nouvelle loi, mais les divergences résident peut-être dans certains détails, visions ainsi que le timing ».
De la même façon, le président du département Business et marketing à Sonatrach, Toufik Hakkar, également chef de groupe de travail qui a élaboré ce projet de loi, a cherché à défendre la volonté du gouvernement pour faire changer la législation actuelle sur les hydrocarbures. Son argument ? La réflexion sur la nécessité de rédiger une nouvelle loi a commencé en 2012 au niveau de l’État suite au lancement de trois appels d’offres à l’international, tous infructueux et aussi après un autre appel d’offre où cette-fois-ci d’un total de 31 périmètres proposés, seulement 4 contrats ont été signés avec les sociétés étrangères. « Depuis 2014, les cours des hydrocarbures se sont effondrés sur les marchés internationaux. Pour le baril de pétrole, les prix ont chuté de 120 dollars/baril jusqu’à 40 dollars, entraînant ainsi un grand ralentissement des activités d’exploration à travers le monde. Beaucoup de pays, y compris africains, ont commencé à changer leurs législations en le domaine depuis 2015 pour s’adapter avec ces nouvelles mutations, alors que nous avons attendu jusqu’à 2017 pour installer le premier groupe de travail», a fait valoir Toufik Hakkar, précisant également que « la mise au point d’une nouvelle loi n’est pas du tout une tâche aisée».
Ce responsable, qui a supervisé l’équipe de recherche composée de 12 experts algériens, s’est affairé à battre en brèche l’idée selon laquelle le gouvernement de Bedoui, décrié par le mouvement populaire, veut faire des concessions aux pays étrangers. «La révision de la loi sur les hydrocarbures n’a aucune visée politique, mais des visées strictement économiques. Nous n’avons aucun agenda politique», a ainsi assuré Hakkar. Pour preuve, Hakkar dira que « de 2012 à 2019, c’est-à-dire durant 7 ans, le monde a beaucoup changé. Aujourd’hui, je peux vous dire qu’il est quasiment impossible d’arriver à un prix de baril supérieur à 60 dollars, en tenant compte que les États-Unis exportent leur gaz aux pays européen souterraines et même la Turquie». Ce qui fait dire à ce responsable que l’avenir de l’Algérie se trouve dans l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels.
Dans le détail, le ministère de l’Énergie estime qu’à la fin 2018, l’Algérie a consommé 60 % de ses réserves et prévoit, dans le cas du gaz naturel, qu’à l’horizon 2030, les 40 % restant ne seront plus suffisants pour alimenter la demande interne, ce qui nous transformera en un pays importateur de gaz. De plus, la législation actuelle sur les hydrocarbures est devenue un véritable frein dans le secteur : après l’adoption de la loi de 2004, les résultats étaient décevants car suite à l’appel d’offre qui a touché 65 périmètres, les partenaires étrangers ne se sont intéressés qu’à 19 périmètres, 9 contrats de partenariat ont été signés, avec cette précision que 5 partenaires ont quitté le pays et 4 seulement y sont restés à ce jour. Cela a engendré une lourde charge sur la Sonatrach qui doit supporter les colossales dépenses liées à l’exploration : durant les 10 dernières années, la compagnie nationale a dépensé plus de 16 milliards de dollars dans l’exploration uniquement, alors que, selon Hakkar, les découvertes réalisées jusqu’à maintenant ne reflètent pas le niveau de ces investissements.
Cependant, il n’y a pas de feu en la demeure, rassure Hakkar, qui a argumenté que les hydrocarbures non conventionnels pourraient être une véritable alternative si l’on veut rester compétitif sur le marché de production du pétrole. Selon lui, les estimations des experts indiquent que les réserves de pays en gaz non conventionnel représentent 83 % des réserves souterraines confirmées, alors que le gaz conventionnel n’est qu’à 18 %.
Reprenant la parole, le PDG de Sonatrach, Rachid Hachichi, a affirmé que toutes les activités dans le secteur pétrolier et gazier, que ce soit par Sonatrach ou les compagnies étrangères, sont soumises à la stricte réglementation de la nouvelle loi, et qu’aucune décision ne sera approuvée et prise sans l’aval de l’ALNAFT (agence de réglementation en hydrocarbures), le ministère de l’Énergie, le conseil des ministres et aussi le nouveau président élu. «Et quand bien même le nouveau Président élu donnera son approbation, les décisions et mesures prises seront publiées dans le Journal officiel», a expliqué Hachichi, ajoutant : «plus que cela, je ne peux concevoir plus de souveraineté ainsi réglementée et instituée meilleure que comme celle présentée par cette loi».
Hamid Mecheri