The Financial Times: « L’armée algérienne ne veut pas une répétition de 1988 »

The Financial Times: « L’armée algérienne ne veut pas une répétition de 1988 »

Dans un article publié hier, le quotidien britannique The Financial Times a estimé que “les leaders militaires au Soudan et en Algérie ralentissent le passage vers une démocratie dans ces pays”. En Algérie, où l’armée a longtemps été au cœur du régime, écrit le quotidien, “il y a une large conviction que les forces armées sont motivées par la préservation du régime plutôt que par le moindre désir de démanteler un système de gouvernance en place depuis l’indépendance en 1962”.

Depuis le départ de Bouteflika, il y a trois semaines, Gaïd Salah a insisté sur le fait que l’Algérie doit suivre le processus constitutionnel en tenant des élections dans trois mois. Selon le journal, “l’armée algérienne ne veut pas une répétition de 1988, quand elle a tué des centaines de civils, et encore moins une répétition de 1992, quand elle a annulé des élections pour empêcher un parti islamiste de gagner, déclenchant une décennie de guerre civile durant laquelle plus de 100 000 personnes sont mortes”.

Cependant, a ajouté The Financial Times, “l’armée algérienne ne fait pas confiance aux politiques civils et a peur d’un vide du pouvoir dans un pays où il n’y a aucune structure d’opposition car les partis ont longtemps été marginalisés”. En Algérie comme au Soudan, où des manifestations populaires ont mené au départ des présidents régnant de longue date, “les manifestants ne connaissent que trop bien ce qui s’est passé en Égypte après que Hosni Moubarak eut été démis de sa fonction de président durant la première vague du Printemps arabe en 2011 et que l’armée eut contrôlé la transition ayant suivi”, a précisé le journal, qui a relevé que “les manifestants ont scandé des slogans affirmant : ‘Non au scénario égyptien’”.

Même son de cloche chez le think tank International Crisis Group (ICG) qui, dans un rapport publié vendredi dernier, a expliqué que le changement, jusqu’à présent, n’a été que “cosmétique”. Pour l’ICG, “le manque de leadership identifiable parmi les protestataires facilite les mobilisations de masse mais ne permet pas de formuler clairement un ensemble de revendications qui seraient acceptées dans leur globalité”, ajoutant que le régime a profité de l’absence de direction unifiée du mouvement pour tenter de le coopter et de le diviser, sous le couvert d’une campagne anticorruption, réglant des comptes internes.

En l’absence de signaux clairs indiquant que le régime est en train de démanteler son propre appareil, l’ICG a estimé que “le dangereux cycle de protestations de masse entraînant des réponses répressives suscitant à leur tour des mobilisations plus importantes va probablement se poursuivre”.

En conclusion, le think tank a indiqué que l’Algérie de l’après-Bouteflika se trouve à une étape charnière : “Elle pourrait s’engager sur la voie de réformes substantielles et de mesures originelles capables de changer le système. Sans quoi, le régime pourrait renouer avec ses tendances autocratiques et répressives.”

Saïd Smati