Tizi ouzou : de l’eau en abondance mais peu exploitée

Tizi ouzou : de l’eau en abondance mais peu exploitée

« Ô ma mère, je suis à côté d’une fontaine et pourtant je meurs de soif ». Cette complainte du célèbre poète français François Villon (1431-1463) peut être légitimement reprise par les habitants de la wilaya de Tizi-Ouzou et même par ceux des wilayas environnantes comme Boumerdès, Alger, Tipasa et Blida.

Les potentialités hydriques de la wilaya de Tizi-Ouzou sont estimées par des experts en hydrologie à 1 100 000 000 m3 par an.

Cependant, à cause d’un manque flagrant de savoir-faire, d’une incurie qui ne dit pas son nom et sans doute de passations de marché douteuses avec des entreprises et enfin les récurrentes oppositions citoyennes dans beaucoup de cas, seulement 224 000 000 m3, soit un taux de 20%, sont mobilisés.

Dans son rapport sur la situation hydrique, la commission hydraulique, agriculture, forêt, pêche, artisanat et tourisme (CHAFPAT) de l’APW note que la dotation quotidienne en eau est de 165 litres par jour avec, cependant, une forte disparité entre les communes, variant entre 20 à 300 litres par jour et par habitant. Ce qui veut dire que la ration est de 300 litres par jour pour certains habitants alors qu’elle n’est que de 20 litres seulement pour d’autres.

Les auteurs du rapport mentionnent également une fréquence de distribution inéquitable puisque certaines régions reçoivent de l’eau H24, alors que d’autres ne la reçoivent qu’une fois tous les 15 jours. La CHAFPAT relève également que même si le taux de raccordement au réseau de distribution est de 98,8%, l’eau arrive en petites quantités dans les foyers, et ce à cause des conduites faites en acier et de leur mauvais entretien.

Le rapport conclut que l’ADE (l’Algérienne des eaux) n’arrive plus à réparer les innombrables fuites pour préserver l’eau et, par conséquent, améliorer sa distribution. La même commission reconnaît que « le patrimoine hydrique de notre wilaya, avec 2 674 km de réseau d’adduction, 3 168 km de réseau de distribution, 166 stations de pompage, 1 170 réservoirs d’une capacité de stockage de 369 085 m3 et 800 pompes qui tournent H24, avec des opérateurs qui se relaient pour entretenir les équipements, représente 13% de tout le patrimoine national ».

De leur côté, les cadres et responsables de la direction des ressources en eau de la wilaya notent, dans leur rapport, qu’en matière de perspectives, deux barrages sont en cours d’étude de faisabilité par l’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT).

Il s’agit du barrage de Bounachi d’une capacité de 30,50 HM3 et dont le site retenu se trouve sur l’oued Rabta, dans la commune de Mekla, ainsi que du barrage de Zaouia d’une capacité de 43,60 HM3 et dont le site se situe sur l’oued Stita, dans la commune de Makouda, se trouvant en amont de la confluence avec l’oued Sebaou. Hélas, les travaux de reconnaissance et les études topographiques sont à l’arrêt depuis juillet 2012 à cause des oppositions des propriétaires terriens.

Selon notre propre enquête, le site devant accueillir ce barrage est composé de grandes terres agricoles et beaucoup d’habitations y sont édifiées depuis de très longues années. Beaucoup de citoyens de Stita ont déclaré au Jeune Indépendant que les productions agricoles de ces terres seraient plus importantes et plus rentables pour le pays que l’eau engrangée par cet éventuel barrage.

Ce dossier est à suivre.

S’agissant du futur barrage de Bounachi, l’achèvement de l’étude est prévu pour le mois de décembre 2016.

Concernant le fameux barrage de Sidi Khelifa, dans la commune d’Azeffoun, sa capacité de stockage, selon le rapport des cadres et responsables de la direction des ressources en eau, est de 21,41 HM3. Pour ce qui est de la levée des réserves, le rapport mentionne qu’elle est toujours en instance de réalisation. En ce qui concerne le barrage de Souk N’tleta, dont les coûts en termes d’indemnisation sont énormes, est d’une capacité de stockage de 98 HM3.

Quant au barrage de Taksebt, opérationnel depuis novembre 2001, sa capacité de stockage est de 180 HM3. Le volume alloué aux besoins de la wilaya de Tizi-Ouzou est de 65 HM3 par an.

Au chapitre programme de développement, la direction des ressources en eau de la wilaya a arrêté un programme comprenant 45 opérations sur un total de 69, pour une autorisation de programme de 13 529 083 000 DA, soit un taux de 56,26%, tous programmes confondus.

Par ailleurs, dans sa vision d’amélioration de la situation de l’alimentation en eau potable, la direction des ressources en eau dispose d’un programme qui s’articule autour de cinq axes principaux. Il s’agit de la mobilisation des ressources hydriques, l’augmentation des capacités de stockage, la réhabilitation du réseau d’adduction, la réhabilitation des équipements électromécaniques et enfin la réalisation d’un réseau de distribution.

Pour ce qui est du premier point, il faut retenir qu’en sus des barrages alimentant la wilaya et les forages existants, le programme d’action porte sur la réalisation et l’équipement de 20 nouveaux forages à travers la wilaya, dont le débit est estimé à 40 litres par seconde.

Le taux d’avancement des travaux de ces nouveaux forages est de 40%. S’agissant du deuxième point, à savoir l’augmentation des capacités de stockage, deux opérations sont en cours, lesquels consistent en la construction de 128 réservoirs pour un volume total de 43 900 m3. Sur ces 128 réservoirs, 92 sont déjà terminés et mis en service.

Leur capacité de stockage est de 29 950 m3. 17 réservoirs d’une capacité de 7 400 m3 ont un taux d’avancement des travaux de 80%. Huit sont en cours de lancement et enfin les onze autres sont en attente, et ce pour divers motifs : absence de site d’accueil, opposition citoyenne, etc.

Pour le troisième point, il est à retenir que les travaux de réparation et de réhabilitation du réseau d’adduction vont porter sur 140 km de conduites, tous diamètres confondus. L’objectif visé est régler le problème des pertes et des déperditions d’eau et, par conséquent, assurer une meilleure distribution d’eau aux consommateurs. Le quatrième point porte enfin sur l’intervention des équipes de la direction des ressources en eau concernant la rénovation de pas moins de 150 groupes électropompes.

Le vieillissement d’un bon nombre de groupes électropompes est en effet à l’origine de la baisse de production de l’eau. S’agissant enfin du cinquième et dernier point, il porte sur la réalisation d’un nouveau réseau de distribution.

Deux opérations sont retenues et lancées. Il s’agit de réaliser 667 km de réseau de distribution. Notons enfin qu’au vu de toutes ces données, on peu aisément conclure que la wilaya de Tizi-Ouzou jouit d’un potentiel hydrique important et que l’Etat l’a pourvue de moyens matériels et financiers conséquents.

Même les pays développés ne mobilisent pas autant de moyens dans un seul secteur et pour un unique département. Nonobstant ce fait, bon nombre de communes et villages souffrent de l’absence de ce liquide précieux.

Leurs habitants ne cessent de se plaindre. Grâce à une exploitation à bon escient des ressources hydriques de la wilaya de Tizi-Ouzou mais surtout une gestion honnête et rationnelle des moyens mobilisés par l’Etat, financiers notamment, non seulement les citoyens auront de l’eau en abondance, on enregistre même un excédent.