Tizi Ouzou : La non-conformité, une «règle» !

Tizi Ouzou : La non-conformité, une «règle» !

Alors que les services du ministère de l’Habitat ont fait savoir que les délais accordés pour la mise en conformité des constructions inachevées, qui ont pris fin, hier mercredi, ne seront pas prolongés, il se trouve que dans la wilaya de Tizi Ouzou, la majorité des citoyens ne se sont pas manifestés pour régulariser la situation de leurs bâtisses.

C’est le cas, à titre illustratif, dans la commune de Tizi Rached, où il a été enregistré le dépôt de 406 dossiers de régularisation depuis 2008, l’année d’entrée en vigueur de la loi 08-15 du 20 juillet 2008 «fixant les règles de mise en conformité des constructions et leur achèvement», sur les 794 cas de constructions nécessitant une mise en conformité, nous a indiqué hier le chef du service technique à l’APC. «Cela représente un peu plus de 50% du nombre total des constructions déclarées illicites au niveau de la commune qui sont au nombre de 794 dont 211 constructions non conformes et 583 illicites», affirme Karim Amokrane. Une situation qui confirme, on ne peut mieux, le peu d’engouement pour ne pas dire le désintérêt affiché par la majorité des citoyens à l’égard de cette procédure, pourtant rendue obligatoire. Dans certaines APC de la wilaya de Tizi Ouzou, le nombre de dossiers déposés au niveau des services techniques n’a pas dépassé 20% du nombre total des cas concernés par la régularisation des constructions illicites ou non achevées, avons-nous appris d’un responsable de la Direction de wilaya de l’urbanisme et de la construction (DUC). Selon notre interlocuteur, la majorité des citoyens ne sont même pas au courant de cette procédure lancée pourtant depuis 2008 alors que d’autres ne se sont pas manifestés par manque de moyens financiers. «Il ne faut pas oublier que pour régulariser une construction, il faut de l’argent. Ce n’est tout de même pas donné à tout le monde de payer des charges à hauteur de 200 DA le mètre carré. Certaines habitations exigent des centaines de millions pour être régularisées», explique ce même responsable qui est allé jusqu’à affirmer que si l’Etat applique effectivement la loi, plus de 80 % de certaines villes et villages seront démolis en raison de la situation des constructions illicites batties sur leurs territoires.

Des bâtisses publiques à régulariser

Même les services publics, à commencer par les APC elles-mêmes, sont confrontés à ce problème de régularisation. Lors d’un séminaire tenu récemment au siège de la wilaya, en présence du wali et de l’ensemble des chefs de daïra et des P/APC de la wilaya, pour débattre de la question de la mise en conformité des constructions et leur achèvement, de nombreux présidents d’APC ont soulevé le problème des bâtisses publiques qui sont aussi des constructions illicites, comme des établissements scolaires, des polycliniques, des crèches communales, etc.

«Moi, en tant que citoyen, je possède une construction illicite.

Il m’est difficile de régulariser ma situation alors que le siège de notre commune est aussi une construction illicite», fait remarquer le président d’une commune, pour dire que le problème des constructions illicites est très complexe à Tizi Ouzou et ne concerne pas seulement les propriétés privées. «Au risque de me tromper, je dirai que la non-conformité des constructions est devenue une règle dans notre wilaya, notamment au niveau de nos villages ou aucune règle urbanistique n’est respectée», nous confie un architecte en citant le cas de ces centaines de maisons construites à proximité des routes, de ces commerces érigés sous des habitations non encore achevées. Devant cette situation, les services de l’urbanisme, sur instruction du ministre de l’Habitat, ont décidé de passer à l’action en affirmant que, passé le délai de la régularisation de ces constructions, toute transaction commerciale d’un bien immobilier ne peut s’opérer qu’après l’assainissement de sa situation juridique. «Comme première mesure de rétorsion, il ne sera plus permis aux propriétaires de ces bâtisses de faire renouveler les registres de commerce pour les locaux qui y sont aménagés pour accueillir des activités commerciales», affirme à cet effet le ministre de tutelle, en ajoutant qu’«il sera notifié aux notaires de ne plus établir de contrats de location de ces locaux aux propriétaires ne présentant pas un certificat de conformité délivré par les services de l’urbanisme».