Tourisme estival dans le Djurdjura «AZRO N’T’HOR» Un rituel perpétué

Tourisme estival dans le Djurdjura «AZRO N’T’HOR» Un rituel perpétué

En montagne nous nous sommes rendus à Azro n’T’ Hor (traduisible par le roc du midi) où nous avons pu constater que des gens s’y rendent par milliers toutes catégories confondues.

Le motif qui fait venir les personnes en ces lieux est le «assensi» d’Azro n’T’ Hor. Il s’agit d’un événement du terroir à grande valeur sociale. Un rituel séculaire que les gens de la région et d’ailleurs également perpétuent depuis une longue date.

C’est l’été, synonyme de repos total, d’évasion et de farniente. Juillettistes ou aoûtiens, chacun possède une façon pour chercher à se procurer de la détente, du plaisir et donner air à ses goûts. Qui à la mer, qui à l’étranger et qui en montagne.

Pour cette dernière destination, les spécialistes l’appelleront randonnées pédestres, tourisme de montagne ou lui donneront tout simplement un autre qualificatif, c’est selon. En montagne nous nous sommes rendus à Azro n’T’ Hor (traduisible par le -roc du midi) où nous avons pu constater que des gens s’y rendent par milliers toutes catégories confondues. Le motif qui fait venir les personnes en ces lieux est le «assensi» d’Azro n’T’ Hor. Midi Libre fait connaitre à ses lecteurs ce qu’est cet «assensi» et leur rend compte de la première journée de ce rituel.

Pour les besoins de la narration, des mots en tamazight seront utilisés et des expressions idiomatiques également, quasi intraduisibles expliquées, ce que lecteur comprendra de lui-même car il s’agit d’un événement du terroir à grande valeur sociale. C’est quoi cette méga-fête ? Littéralement cela peut se traduire par «Veillée du roc du midi ou du zénith».

Un rituel séculaire que les gens de la région et d’ailleurs également perpétuent depuis une longue date. C’est un tourisme estival de montagne associé à une croyance païenne qu’organisent de manière cyclique trois villages en ce sanctuaire et qui sont Zouvga, Ath- Adella et Takhlijt- Ath- Atsou dans la daïrad’Iferhounene, wilaya de Tizi-Ouzou.

Azro N’T’Hor est sans doute le mausolée le plus visité de la Kabylie. Il se trouve à quelque 20 km de Ain-El-Hammam (ex- Michelet) et est perché à plus de 1.800 mètres d’altitude sur la chaîne du Djurdjura en haut d’une crête de partage des vents comme aiment à le définir les vieux de la région. En ces lieux stratégiques, l’on peut dominer de bons pans des trois wilayate : Bouira, Bejaia et Tizi ouzou tel le plus beau visage du mont Lalla Khedidja situé à 2.3O8 mètres au-dessus du niveau de la mer et au-delà des collines environnantes, que les feux de forêt et l’être humain en particulier ont rendu chauve, les plaines d’Azazga. Les villages sont accrochés aux cieux sans cordes tels des colliers pour reprendre un peu d’Ait Menguellet. Quel que soit l’itinéraire ou le chemin emprunté pour y parvenir, la rude épreuve attend les visiteurs. Un long sentier sinueux et poussiéreux mène à cette crête où se trouve la «Kheloua» (lieu de méditation) ou El- Djamaa.

C’est donc marche à pied, bivouac et autres manœuvres d’avancée en montagne qui doivent être pratiqués. L’histoire de Azo N’T’Hor n’est pas assez connue mais l’on s’accorde à dire que le rite de l’Assensi et les ziarate datent d’assez longtemps de mémoire d’homme. Certains racontent aussi qu’un ermite (homme) y a vécu en ces lieux mais sans trop pouvoir donner une date, même approximative soit-elle. Le sanctuaire figure parmi les rares lieux vénérés de la région ou même d’ailleurs qui ne portent de nom de personne tel sidi flen ou lalla flana.

Le rituel.

A YAZRO N’T’HOR A YIZEM L’GHAVA-NUSSAD ‘AK ‘N’ZOR ANAWI L’VARAKA-.

C’est avec ces vers chantés en chœur en Kabyle et qui veulent dire à peu près ceci : « Oh azro n Thor ! Lion des forêts, nous te rendons visite pour avoir tes bénédictions» que des milliers de personnes entament leur pèlerinage annuel à Azo’ n’T’Hor. Les trois villages cités plus haut prennent à bras-le-corps toutes les tâches de préparation et de tenue de l’Assensi qui se déroulent les 3 premiers week-end de chaque mois d’août dans un ordre tel que chacune de ces agglomérations est une fois première une autre deuxième et enfin troisième à s’occuper de cette « waada ». Pour cette année, l’ouverture échoit a Zouvga car l’an dernier ce village a été le dernier.

Il sera suivi de Ath-Adella et enfin de Thakhlijt-Ath-Atsou pour l’édition de cette année qui a été avancée parce que le Ramadhan débutera à la première décade du mois d’août. Les assensi se tiendront donc les 17, 24 et 31 juillet. Les djemaâ des villages respectifs s’y prennent suffisamment à l’avance pour programmer et ordonnancer toutes les tâches utiles et nécessaires. Le côté matériel est assuré par les caisses du village et les dons des habitants y compris ceux qui se trouvent à l’extérieur, même à l’étranger. Les bêtes à immoler sont soit offertes soit achetées.

Chaque village utilise ses propres volontaires, ses fonds et son matériel de même qu’il récupère à son profit toutes les offrandes en la circonstance. Dans tout cela, une coordination et une continuité sans faille font que les habitants des trois villages améliorent chaque année ce rituel dans un esprit de compétitivité constructive.

A voir ces populations à l’œuvre, en autosuffisance, on les prend tout de suite pour des San-Marino de Kabylie (San Marino étant la plus vieille république du monde et elle se trouve en Italie). L’événement est pour la majeure partie des visiteurs un moment et un moyen de ressourcement. Pour certains, ce sont les retrouvailles d’où un tourisme social et pour une autre catégorie c’est le moment propice de trouver femme à son fils ou mari à sa fille sans omettre toujours de citer ces venues qui profitent de tous les rassemblements pour initier un business mais ils sont rares en ces lieux.

Sécurité, respect et altruisme

Les visiteurs ne ménagent aucun effort pour faire preuve de générosité envers ceux qui ont veillé et envers la sainteté des lieux en faisant des offrandes. La sécurité et le respect sont toujours de mise ainsi que l’altruisme. Les gens se conduisent de manière exemplaire, les organisateurs aussi.

Des indiscrétions nous ont appris que même certaines hautes personnalités qui nous gouvernent viennent implorer le mausolée d’une manière anonyme et discrète surtout après une décadence ou une chute vertigineuse subie dans le serail. Toute croyance mise à part, il ne serait pas faux de dire que c’est un excellent exemple de tourisme populaire estival, de montagne, social ou avec une autre appellation qui pourrait y convenir.

De jour comme de nuit surtout tout est beau en ces trois assensi surtout lorsque le climat s’y met. Tout est à revoir. A la fin de chaque édition, les sages comblent leurs hôtes de bénédictions dans le sens de : «Izor Inor—Yenwa Yabwi» (il a visité, il est illuminé, il a cru et il en a pris) c’est une «douaa»parmi tant d’autres car le rendez-vous en est donné pour 2011 avant la tenue de la troisième version.

Par : Lounis-Ou-Si-Amer