Trading pétrolier: Sonatrach pourrait se positionner comme un acteur majeur

Trading pétrolier: Sonatrach pourrait se positionner comme un acteur majeur

WASHINGTON – Le groupe algérien Sonatrach, le saoudien Aramco et l’émirati ADNOC pourraient rapidement se positionner comme acteurs majeurs dans le trading pétrolier, dominé jusqu’ici par les géants vitol, Glencore, Trafigura, et Mercuria, selon une analyse publiée par Oil Price.

« L’été 2019 pourrait être un tournant décisif pour les marchés mondiaux des produits de base », alors que les trois groupes se lancent déjà dans la mise en œuvre d’une « stratégie structurée » pour se tailler une part importante du marché de courtage pétrolier, relève Cyril Widdershoven, auteur de l’analyse et spécialiste des marchés pétroliers.
« Les changements en cours à Dhahran, à Abu Dhabi ou même dans plusieurs pays d’Afrique du Nord, tels que l’Algérie, seront bien plus importants que ne le prévoient actuellement la plupart des géants de la commercialisation » du pétrole, soutient-t-il.

Vitol et Trafigura « devraient maintenant être très conscients de l’imminence du tsunami qui se prépare », ajoute-il, estimant que « les évaluations actuelles tendent encore à considérer les tentatives d’Aramco, d’ADNOC, de Qatar Petroleum et de Sonatrach comme une simple perturbation mineure et non une source d’inquiétude ».

Mais pour l’analyste « les temps ont changé » car ces compagnies pétrolières nationales « ne vont pas se contenter d’une position minime sur le marché ».

Et même s’il « reste beaucoup à faire à Aramco, ADNOC et Sonatrach » pour conquérir le marché de courtage pétrolier, les trois groupes ont « un avantage considérable sur Vitol et Trafigura », explique-t-il.

En fait, ces groupes producteurs de brut, n’auront pas à faire face aux procédures opérationnelles internes telles que les appels d’offres ainsi qu’aux autres problèmes bureaucratiques du moment où ils ont plein accès aux volumes de pétrole et de produits pétrochimiques à commercialiser.

Cet accès leur « confère un avantage direct sur les tierces parties en termes de prix, de connaissances et de perception », explique l’analyste.

En accédant au marché du négoce pétrolier, ces groupes pourraient augmenter leur influence sur les prix ainsi que sur l’approvisionnement du pétrole, en tirant aussi une plus-value de leur production pétrolière.
La concurrence entre ces groupes publics et les géants de courtage pétrolier s’annonce rude et pourrait éliminer les petits opérateurs sur le marché mais aussi créer de grandes compagnies de commercialisation si Aramco et ses pairs parviennent à racheter des sociétés de négoce ou établir des alliances dans la commercialisation du brut avec les majors pétrolières, soutient l’analyse.
Sonatrach négocie la création d’une joint-venture commerciale avec plusieurs sociétés de courtage dont Vitol, la plus grande compagnie privée de trading au monde.

Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC) a déjà conclu en janvier dernier un accord avec l’italien ENI et l’autrichien OMV pour créer une coentreprise de commercialisation, alors qu’Aramco a signé en avril un contrat d’approvisionnement avec le polonais PKN Orlen.

D’un point de vue géopolitique, la démarche des compagnies nationales est claire : augmenter leur pouvoir et celui de leurs gouvernements en contrôlant l’offre et les échanges pétroliers à la lumière des alliances régionales et internationales, explique l’analyste.

Dorénavent, les sociétés de trading devraient s’inquiéter pour leurs parts de marché car la nouvelle démarche qui ne concerne que les hydrocarbures actuellement pourrait être étendue à d’autres matières premières comme les produits agricoles, les minéraux et les métaux.

Mais pour assoir leur hégémonie sur le marché, les groupes pétroliers publics de la région auront  besoin d’une bourse de marchandises. L’essentiel du pétrole produit dans la région Mena est commercialisé à Rotterdam ou à Singapour. Dubai Mercantile Exchange tente actuellement de devenir un point de vente important et flexible dans la région, rappelle l’analyste.

« Combiner des volumes d’échanges d’hydrocarbures, de métaux et de produits agricoles avec une bourse de marchandises dans la région Mena provoquerait un séisme qui pourrait remodeler la structure du commerce mondial », prévoit il.

Dans le même contexte, l’analyste estime que les sociétés internationales de courtage « ne devraient pas prendre ces signaux d’alerte à la légère » car cette nouvelle démarche cadre avec les stratégies de développement des pays pétroliers de la région.