Transfert illicite de capitaux: L’arbre qui cache la forêt

Transfert illicite de capitaux: L’arbre qui cache la forêt

Les passeurs sont généralement de jeunes femmes ou jeunes hommes qui ne peuvent pas, par leurs professions justifier de telles sommes d’argent.

Les affaires liées aux transferts illicites de capitaux sont revenus au-devant de la scène ces derniers jours. Il ne se passe pas un jour, sans que l’on ne découvre dans les bagages de voyageurs à destination de Tunisie, Dubai ou Turquie d’importantes sommes en devises. Les sommes saisies par les services de la police des frontières et la douane, amènent à penser que ce ne sont pas de simples transferts «anodins», comme cela a toujours existé dans les ports et les aéroports du pays. Les services des douanes ont l’habitude de prendre des individus, la main dans le sac. La pratique est courante en soi. On retiendra, à titre d’illustration, que pour la seule année 2016 et dans la région de l’Oranie seulement, pas moins de 66 affaires liées aux fuites de capitaux, de devises et d’or, ont été traitées par les services de la direction régionale des douanes d’Oran.

A l’échelle nationale, il est clair que l’on peut multiplier ce chiffre par trois ou quatre. Mais si le phénomène n’est pas nouveau, il est d’une ampleur anormale, ces derniers jours. En plus de la multiplication des saisies dans tous les points de passage, l’importance des sommes objet du trafic tranche nettement avec un usage «personnel» pour un petit investissement à l’étranger ou encore une tentative de soustraire de l’argent au fisc. L’ampleur du trafic est quasi industriel, puisque la valeur des transferts illicites a dépassé, en une seule opération, le million d’euros. Ce n’est donc pas un «petit» trafic, comme il peut se produire n’importe où, mais il s’agit vraisemblablement d’une entreprise bien plus organisée qui semble miser gros pour faire sortir un maximum de devises du pays. Même si les enquêtes diligentées par les services de sécurité restent encore dans le secret des procédures, il reste que l’option d’une véritable maffia qui fonctionne comme les trafiquants de drogue est tout à fait de mise. Et pour cause, dans beaucoup de saisies, le premier constat qui saute aux yeux a trait au profil de la personne prise en flagrant délit de transfert illicite de devises. Ce sont généralement de jeunes femmes ou jeunes hommes qui ne peuvent pas, par leurs professions, justifier de telles sommes d’argent. C’est-à-dire que leurs activités dans la vie courante ne les mettent pas en situation de manipuler des dizaines, voire des centaines de millions de dinars. Il s’est même trouvé, parmi les «passeurs» des sans-emploi. L’autre facteur qui pousse à privilégier la thèse de l’action maffieuse, tient dans les destinations de ces «voyageurs». En effet, les pays sur lesquels est jeté le dévolu des trafiquants sont ceux qui n’exigent pas de visas d’entrée sur leur territoire. Cela revient à dire que l’objectif des «maffieux» est de faire faire à leurs «soldats» un maximum de voyages en un minimum de temps et, ainsi, réaliser des transferts volumineux de devises vers l’étranger. Le modus operandi de cette maffia consiste à mettre cinq, dix, voire plus, de jeunes dans différents aéroports du pays, avec la mission de passer les contrôles policiers et douaniers. Comme pour les trafiquants de drogue, ce qui importe pour les criminels en col blanc, c’est qu’au final, l’argent passe, même si au passage, «ils laissent des plumes», à l’occasion de saisies qu’opèrent régulièrement les services habilités.

Il reste que les «soldats» qui se font prendre peuvent constituer de précieuses sources d’information pour les enquêteurs. Mais ils peuvent aussi ne rien savoir sur l’identité de leurs commanditaires. La question qui se pose est de savoir, si réellement, une maffia spécialisée dans la fuite des capitaux opère en Algérie. Pour l’heure, seuls les indices et certains recoupements peuvent amener à le penser. Tant qu’on n’aura pas arrêté un «gros poisson», il serait imprudent d’avancer pareille assertion.