Tunisie – « Je ne suis pas vivant pour mourir »: Le cri de désespoir du cousin de Mabrouk Soltani, exécuté par des terroristes

Tunisie – « Je ne suis pas vivant pour mourir »: Le cri de désespoir du cousin de Mabrouk Soltani, exécuté par des terroristes

« Je ne suis pas vivant pour mourir ». Le désespoir, l’absence de perspectives, le sentiment d’abandon et d’injustice… Sur le plateau de Nessma TV, Nessim Soltani veut faire entendre sa voix, lourde, les yeux embués de larmes, dans un témoignage poignant partagé massivement sur les réseaux sociaux.

Le cousin de Mabrouk Soltani jeune berger de 16 ans décapité par les terroristes sur le Mont Meghila dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, est apparu désarmé, impuissant, en colère face à la tragédie qui a touché sa famille.

Pendant près d’un quart d’heure, le jeune homme de 20 ans revient sur la précarité à laquelle sa famille et son entourage sont confrontés, sur le laxisme et le désintérêt de l’État quant à leur situation, sur le « niveau de pauvreté sous le zéro » dans lequel il vit.

« L’État était au courant de la présence des terroristes dans la montagne »

« Les terroristes nous ont déjà menacé auparavant, Mabrouk les avait rencontrés dans la montagne pendant le mois de Ramadan », commence Nessim Soltani, en expliquant que « l’État sait qu’il y a des terroristes dans la montagne! ».

Pourtant la famille Soltani a passé sous silence cette rencontre de Mabrouk, leur fils, avec un « terroriste armé de couteaux et d’explosifs, un jeune tunisien. Il a parlé avec Mabrouk, pendant qu’une vingtaine d’entre eux surveillaient la zone. »

« On a eu peur de prévenir les forces de l’ordre parce qu’ils ont menacé Mabrouk de mettre fin à la vie de tous les membres de notre famille s’ils entendaient le bruit d’un avion survolant la montagne. »

Il raconte que par la suite, les terroristes ont expliqué au jeune berger que ce n’était pas les citoyens qui étaient visés mais les forces de l’ordre et l’armée. « Ils ont essayé de l’acheter », dit Nessim Soltani.

Les difficultés quotidiennes (« l’eau, on va la chercher à la montagne, là où il y a du terrorisme! » affirme t-il), l’analphabétisme, le chômage sont pour Nessim Soltani, des raisons suffisantes pour « pouvoir acheter les jeunes de la région ».

« Pauvreté, pauvreté, pauvreté », dit-il avec hargne, « moi, je pourrais mourir soit de soif, soit de faim, soit par le terrorisme. »

« Je ne suis pas vivant pour mourir »

Nessim Soltani pointe du doigt le désintérêt de l’État, des responsables, « j’ai vingt ans, et je n’ai jamais vu un responsable chez nous. »

Absence de routes, d’hôpital, d’infirmeries, le jeune homme demande « à quel État appartenons-nous?  »

« Patrie, patrie, patrie, je ne connais de la patrie que ma carte d’identité »

L’arrêt précoce de l’école « à 16 ans », est dû au manque de moyens de la famille de Nessim Soltani. D’ailleurs, quand il parle d’école, la voix du jeune homme se noue, il a du mal à formuler ses phrases. « Quand je vois un enfant sortir d’une école, d’un collège, cela me donne envie de mourir. »

« Je ne suis même pas vivant pour mourir », renchérit-il, « Je ne travaille pas pour moi, pour construire mon futur. Je travaille pour nourrir ma soeur, pour qu’elle puisse étudier… nourrir mon père et ma mère, et je n’y arrive même pas ».

Il vient souvent à Tunis pour chercher du travail, dans les chantiers. Son argent, il l’envoie à sa soeur, à son père, mais « c’est difficile, je n’ai pas les moyens d’acheter les livres scolaires, je n’achète que les cahiers. »

« Il n’y a plus de confiance »

La présence de Moncef Marzouki accompagné de ses gardes du corps accentue la colère de Nessim Soltani, qui interpelle l’ancien président de la République: « Comment ça tu ne peux rien faire? ton salaire on te le verse sur le dos de qui? Si tu ne peux rien faire, pourquoi es-tu venu? »

« Je n’ai plus confiance…excepté en Dieu ».

L’absence de l’État revient toujours dans les interrogations formulées par Nessim: « C’est un État ça? Où sont les responsables? Quand est-ce qu’on nous regardera? »

Ce désintérêt, Nessim le vit comme une épreuve, « Jusqu’à quand allons-nous souffrir? », conclut-il.