Turquie: inauguration d’un tunnel sous le Bosphore, reliant l’Asie à l’Europe

Turquie: inauguration d’un tunnel sous le Bosphore, reliant l’Asie à l’Europe

La Turquie a inauguré en grande pompe mardi, au jour du 90 ème anniversaire de la République, le premier tunnel ferroviaire sous le Bosphore, reliant les rives asiatique et européenne d’Istanbul, un des méga-projets urbains contesté du régime islamo-conservateur turc.

Baptisé le «chantier du siècle», après neuf ans d’attente, le Marmaray, un tunnel de 14 km dont une portion immergée de 1.400 m, relie désormais en quatre minutes seulement les deux continents séparés par le détroit du Bosphore dans la mer de Marmara.

«Marmaray qui était un rêve pendant 150 ans est finalement devenu une réalité», a déclaré le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan devant une foule compacte de plusieurs milliers de stambouliotes sur la place d’Üsküdar, située sur la partie asiatique d’Istanbul.

M. Erdogan, ancien maire d’Istanbul et très impliqué dans ce projet pharaonique, l’a qualifié de «perle et chef d’œuvre d’architecture et d’ingénierie».

«Marmaray est un projet de paix et de solidarité qui pourra relier Pekin à Londres», s’est encore félicité M. Erdogan, avant d’embarquer parmi les premiers passagers.

Le projet a pour objectif de fluidifier le trafic intercontinental, sur un trajet effectué quotidiennement par plusieurs millions de stambouliotes.

Marmaray figure parmi ses grands projets urbains souvent contestés qui ont nourri la fronde antigouvernementale de juin.

M. Erdogan était notamment accompagné lors de cette inauguration, à l’occasion de l’anniversaire de la fondation de la république turque en 1923, par le chef du gouvernement japonais Shinzo Abe, principal bailleur de fonds pour le projet.

L’idée d’un tunnel sous le Bosphore avait été évoquée pour la première fois en 1860 par un sultan ottoman, Abdulmedjid. Mais faute de technique et de fonds suffisants, elle ne s’était jamais concrétisée.

Le projet a été relancé dans les années 1990 sous la pression de l’explosion démographique d’Istanbul, dont la population a doublé depuis 1998 pour dépasser 15 millions d’habitants.

Grâce à l’appui financier de la Banque du Japon pour la coopération internationale puis de la Banque européenne d’investissement (BEI), le premier coup de pioche a été donné en mai 2004 par un consortium d’entreprises turques et japonaises.

Le coût total du projet est évalué à 3 milliards d’euros.

Les travaux devaient initialement être achevés en quatre ans mais ont été longtemps suspendus par la découverte d’une série de trésors archéologiques.

Le tunnel, un double tube immergé à 62 m sous le lit du Bosphore, est aujourd’hui achevé. Dans cette région à forte activité sismique, il est censé pouvoir résister à des séismes d’une magnitude de 9 sur l’échelle ouverte de Richter.

Avec cet ouvrage, à terme relié à 75 km de voies ferrées nouvelles, les autorités veulent mettre un terme aux souffrances des 2 millions de Stambouliotes qui, chaque jour, traversent le Bosphore sur ses deux ponts, toujours saturés.

Mais certains spécialistes sont dubitatifs même si le tunnel a suscité moins de critiques que le futur 3e aéroport de la ville, ou le canal de 45 km parallèle au Bosphore ou encore un troisième pont sur le détroit.

Ces projets pharaoniques ont été critiqués comme autant de preuves de la dérive autoritaire et de l’affairisme du gouvernement islamo-conservateur pendant la fronde de juin.

Mardi, alors que la cérémonie d’inauguration battait son plein, 15 km plus loin, dans le quartier européen de Beyoglu, la police a dispersé par la force, en faisant usage de gaz lacrymogène, un rassemblement de plusieurs milliers d’opposants du régime d’Erdogan, procédant à des interpellations, a constaté un photographe de l’AFP.

A Ankara, des dizaines de milliers de personnes rassemblées sur une place centrale ont conspué le gouvernement «fasciste» turc, selon des témoignages recueillis par l’AFP.

Marmaray ne sera cependant pas opérationnel à 100% immédiatement. Il faudra attendre encore 2016 pour que le chantier soit entièrement terminé.

«La portion mise en service est très limitée. Tout ça a été reporté à bien plus tard», a regretté Tayfun Kahraman, le président de la chambre des urbanistes d’Istanbul.

Les détracteurs d’Erdogan l’accusent d’avoir précipité l’inauguration de ce tunnel intercontinental avec la volonté de le présenter comme un enjeu avant les élections municipales prévues en mars 2014.