Istanbul – Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé lundi avoir interrompu le retrait de ses troupes de Turquie en reprochant à Ankara de ne pas tenir ses promesses de réformes, premier gros accroc au processus de paix engagé l’automne dernier.
Comme il en avait menacé à plusieurs reprises le gouvernement islamo-conservateur turc, le mouvement rebelle kurde est passé à l’acte lundi en annonçant la fin du mouvement de ses quelque 2.500 combattants vers leurs bases arrière du Kurdistan irakien, engagé en mai dernier.
«Le retrait des combattants a été arrêté. La trêve sera maintenue (…) afin de permettre au gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) d’entamer des initiatives», a indiqué la rébellion dans un communiqué cité par l’agence de presse Firat News (prokurde).
Dans son texte, le PKK a reporté l’entière responsabilité de sa décision sur le gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
«L’attitude du gouvernement turc consistant à ne pas progresser sur la question kurde est à l’origine de cette situation», a-t-il souligné.
Depuis sa reprise fin 2012, le délicat processus de paix ravivé entre Ankara et Abdullah Öcalan, qui purge depuis 1999 une peine de réclusion à perpétuité dans l’île-prison d’Imrali (nord-ouest), avait ravivé l’espoir de mettre enfin un terme à un conflit qui a fait plus de 40.000 victimes depuis 1984.
Le 21 mars dernier, le chef historique du PKK avait annoncé un cessez-le-feu unilatéral et, en mai ses troupes ont entamé une longue transhumance vers l’Irak. Hormis quelques coups de feu sans conséquence, la trêve était jusque-là respectée.
Mais depuis quelques mois, les Kurdes reprochent plus ouvertement à M. Erdogan de ne pas tenir ses promesses de réformes en faveur des 12 à 15 millions de membres de leur minorité, contrepartie de la suspension unilatérale des hostilités.
Le PKK exige notamment des amendements au code pénal et aux lois sur les élections, ainsi que le droit à l’éducation en langue kurde et une forme d’autonomie régionale.
«Sérieux problèmes»
Nommé au début de l’été à la tête du mouvement, Cemil Bayik, considéré par Ankara comme un «dur», a lancé en juillet un «dernier avertissement» au gouvernement de l’AKP, lui intimant de prendre des mesures avant le 1er septembre.
«Nous risquons de sérieux problèmes parce que le gouvernement perd trop de temps», a renchéri fin août l’un des coprésidents du Parti de la paix et de la démocratie (BDP, kurde), Selahattin Demirtas.
De fait, les discussions sur la réforme de la Constitution, qui devaient permettre d’introduire une partie des réformes souhaitées par les Kurdes, sont aujourd’hui paralysées, victimes de la rivalité entre la majorité et l’opposition.
Et si elle a limité le champ des poursuites pour «terrorisme», la nouvelle loi judiciaire adoptée en mars n’a pas permis la remise en liberté escomptée des milliers de militants de la cause kurde actuellement détenus en Turquie.
Bien campé sur sa ligne intransigeante, M. Erdogan a remis en cause, le mois dernier, la réalité du retrait des troupes du PKK de Turquie, estimant que 20% à peine d’entre eux, «des vieux et des enfants» selon ses mots, avaient quitté le pays.
Il a précisé qu’une amnistie générale pour les rebelles, et notamment M. Öcalan, et le droit à l’éducation en kurde n’étaient «pas d’actualité».
Une frange de l’opinion turque reste catégoriquement opposée aux discussions avec le chef du PKK, largement considéré comme un «terroriste».
Dans l’avion qui le ramenait dimanche de Buenos Aires, M. Erdogan a répété son engagement en faveur de la paix avec les Kurdes et redit sa confiance dans le processus actuel. «Je ne pense pas qu’il y aura un obstacle majeur», a-t-il dit à la presse, «l’important c’est que le peuple (kurde) souhaite la poursuite de ce processus».