Face à un chef de l’État qui s’efface lentement et une guerre ouverte entre les différents groupes influents pendant une crise économique majeure, le gouvernement devrait songer sérieusement à laisser le pouvoir à une coalition nationale.
L’effondrement du régime se fait actuellement sous les yeux de tous. Lentement. À chaque jour qui passe, l’État perd de son pouvoir sur l’Économie et sa crédibilité s’étiole un peu plus. Le système, dont l’obsolescence est consommée, est à bout de souffle. Il est pris dans un phénomène de corruption qui est d’une telle ampleur qu’il ne peut plus changer ou même accueillir de nouveaux acteurs. Selon le bureau national de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), près de 74 % des salariés sont recrutés par favoritisme ou corruption. En Algérie actuellement, c’est la proximité avec le pouvoir et non la qualité des individus qui les rend importants au niveau politique. Les gestionnaires n’y restent que par leur collusion avec le régime qui devient de plus en plus autoritaire. Quand le président de l’Assemblée populaire nationale (APN), Mohamed Larbi Ould Khelifa, affirme que des députés ne sont pas en droit de s’adresser au président de la République s’ils ne sont pas d’accord avec lui, il confirme sans s’en rendre compte que son gouvernement est une dictature. Si l’opposition n’est pas en droit de s’adresser au président de la République sur des questions qui touchent une distribution plus équitable des richesses et des recettes comme les articles 66 et 71 de la Loi de finances, l’Algérie n’est plus un régime démocratique et devient despotique.
Dans un tel environnement sclérosé, la demande d’audience des « 19-4 alliés » au chef de l’Etat a fait plus que marqué les esprits. Elle est un signal qu’il est temps pour un changement à la tête de l’Algérie. Quand des amis politiques reconnus et d’une provenance variée ne peuvent plus rencontrer le président, il s’agit d’un événement majeur dans la vie d’un État. Le SG du FLN a réagi si violemment à cette demande anodine qu’il en a du coup crédibilisé la démarche qui prend actuellement une valeur symbolique qu’elle n’avait pas à son début. Le refus de cette rencontre qui continue toujours plus d’un mois après le lancement de la démarche montre que le régime Bouteflika a atteint ses limites. Il n’est même plus capable de répondre positivement à une demande qui est régulièrement accordée dans 99,9 % des pays de la planète, et ce, souvent sans autre formalisme que la prise d’un rendez-vous avec un secrétaire. Cette fuite honteuse du gouvernement montre qu’il n’a pas de réponse acceptable par la population quand il est question de l’illégitimité du président et de la sienne par ricochet.
Comme il n’est plus possible d’avoir une information crédible sortant des presses officielles, la rumeur est devenue toute puissante. La condamnation a trois ans de prison de l’ex-directeur général de la sécurité et de la protection présidentielle, le général-major Djamel Kehal Medjdoub et à cinq ans de prison de l’ex-patron de la lutte antiterroriste, le général Hassan vient donc alimenter les soupçons populaires qu’une révolution de palais est en cours. La dénonciation de ces condamnations par le général de corps d’armée à la retraite Mohamed Mediène alimente ces rumeurs qui se renforcent en plus avec toutes ses mesures anticonstitutionnelles incluses dans la loi de finances 2016. Les augmentations d’injustice sociale envers le citoyen incluses dans cette loi montrent que le pays s’enferme dans un statu quo dangereux. La chute récente du prix du baril n’a fait que rendre plus visible les dangers de l’immobilisme dans lequel est pris ce gouvernement qui a préféré se remplir les poches plutôt que de créer l’économie productive qu’avait promises Abdelaziz Bouteflika. En raison de cette baisse des cours pétroliers sur les marchés internationaux, l’effondrement de l’État est son futur le plus probable à court terme.
Devant cette situation, le pouvoir a eu recours à une solution de facilité en votant la loi de finances 2016 qui n’apporte même pas les réponses nécessaires à la crise. Les nouvelles taxes rapporteront moins de la moitié du déficit prévisionnel de 2000 milliards de dinars. Au lieu de démarrer le moteur de création de la richesse en aidant les secteurs de l’économie qui optimiseront le bien-être des citoyens à court et moyen terme, le gouvernement coupe dans ce qui forme le tissu social. Où sont les intégrations verticales qui permettront de sauver l’économie du pays en accumulant les économies d’échelle ? Que fait-on d’une deuxième et troisième transformation des produits pétroliers pour vendre à l’étranger un produit fini qui aura permis de faire travailler plus d’Algériens avec l’argent de leur ressource ? La dévaluation du dinar est le signe de l’incurie du gouvernement algérien.
Parce qu’ils sont responsables de la crise économique et sécuritaire que traverse actuellement l’Algérie, ses dirigeants empêchent la population de les critiquer. Amnesty International a d’ailleurs dénoncé récemment l’intensification de la répression contre la liberté d’expression non violente. Une répression qui s’étend maintenant jusque sur l’Internet. Comme l’âge de ces dirigeants les destine beaucoup plus à la retraite qu’à n’importe quoi d’autre, ils devraient écouter le président du parti Ahd 54, Ali Fawzi Rebaine, qui appel à la formation d’un gouvernement de coalition nationale ouvert à tous les partis de la scène politique nationale. Une large concertation pour l’élaboration d’un nouveau contrat social pourrait faire passer le pouvoir au peuple sans les violentes confrontations qui se préparent en raison des inégalités économiques, sociales, régionales et politiques qui s’accentuent.
Michel Gourd