Des couloirs bondés, des files d’attente interminables, pas de médecin spécialiste et manque de moyens matériels. Quant au service 24h/24, celui-ci est inexistant. C’est l’état des lieux dans la quasi-totalité des polycliniques de la ville de Constantine et sa périphérie.
“La santé de proximité ne peut pas être assurée par des structures qui travaillent quelques heures par jour et ferment le reste de la journée”, avait affirmé, Abdelmalek Boudiaf, ministre de la Santé, le 8 août dernier, dans la wilaya de Sétif, où il avait, rappelons-le, donné le coup d’envoi de la campagne nationale de la santé de proximité sous le thème “Sihati biljiouar”. Qu’en est-il de l’application de cette décision, plus d’un mois après ?
En effet, la majorité de la population habite à moins de 15 ou 20 minutes d’un centre de soins ou d’une polyclinique.
Cependant, les malades ne consultent pas toujours le professionnel de santé le plus proche de son lieu de résidence, et ce, pour deux raisons évidentes : la première est que dans la quasi-totalité des centres de soins dit de “proximité”, il y a une désertion médicale de plus en plus criante. La seconde est liée aux moyens matériels inexistant dans la plupart des établissements, en l’occurrence, ceux que nous avons visités.
C’est d’ailleurs, ce dysfonctionnement auquel le plan de réforme proposé par le ministère de la Santé, tente de répondre, entre autres, la décentralisation des soins des CHU vers les polycliniques. Malheureusement, aujourd’hui encore, nombreuses sont ces dernières où trouver un médecin spécialiste est un véritable parcours du combattant. Dans d’autres établissements sinon la majorité, on se plaint des délais trop longs pour une simple consultation, comme c’est le cas à la polyclinique de la cité El-Amir Abd El-Kader (ex-Faubourg). Cette dernière occupe le rez-dechaussée d’une maisonnée avec un maximum de 4 pièces censées être des salles de consultations, mais toutes fermées. Il était 11 heures ! Il n’y avait ni dentiste ni pédiatre et encore moins de psychologue.
La salle d’attente était pourtant bondée. Les patients qui étaient là, n’ont pas caché leur mécontentement devant l’indisponibilité du médecin. Une dame âgée, souffrant de douleurs à la poitrine, attendait depuis 9h. “Je suis dans cette clinique depuis 9 heures, j’attends mon tour comme tous les autres”, nous dit-elle. Selon les patients, on leur a expliqué que le médecin concernée “s’était absentée”, sans pour autant leur donner plus de détails.
Certains ont dû même hausser le ton pour être pris en considération. Une habitante du quartier qui accompagnait son père, n’a pas caché sa colère devant le traitement qui leur est accordé. “Dans le cas d’une urgence médicale, comment assurer les soins préliminaires, s’il n’y a même pas de spécialiste ?”, s’interroge notre interlocutrice, en faisant référence aux quelques enfants qui étaient là depuis presque toute la matinée, alors qu’il n’y a même de pédiatre.
À Djebel El-Ouahch, on refuse d’ausculter les enfants
Le même constat a été fait à la polyclinique de Djebel El-Ouahch, où seules deux infirmières étaient présentes et un seul généraliste pour prendre en charge les patients. En effet, le manque d’effectifs pousse les gens à attendre parfois, toute la journée dans le couloir. Vu ce temps d’attente trop long, beaucoup préfèrent rester chez eux, même malades. La situation est encore plus inquiétante dans le cas d’une consultation d’un médecin spécialiste, à la polyclinique de la cité Abdessalem-Daksi, notamment. Non seulement la file d’attente semble interminable, mais le pédiatre refuse d’ausculter les enfants âgés de plus d’un an et les oriente vers le CHU. Pis encore, il n’est présent que deux fois par semaine et ne travaille qu’une demi-journée, nous dit-on. “Comment voulez- vous que cette polyclinique fonctionne 24h/24, s’il n’y a pas de médecin même la journée ?” se demande un habitant du quartier, suscité, venu avec son petit âgé de 3 ans.
Nouvelle ville Ali-Mendjeli : une seule polyclinique pour 100 000 habitants
La répartition des médecins et le manque d’effectifs sont la cause des dysfonctionnements enregistrés dans le secteur de la santé, et ce, depuis longtemps. Certains professionnels avancent, par ailleurs, que le recours au médecin spécialiste le plus proche, n’est pas systématique. “Compte tenu d’une demande de soins dépassant presque toujours l’offre, les patients se voient – très souvent – obligés d’aller consulter un spécialiste en dehors de son rayon de résidence”, nous dit-on.
Cette situation fait que les malades affluent massivement vers les services d’urgences du CHU, en espérant être pris en charge. Nous avons relevé ce cas à la polyclinique Hocine-Benkadri, la seule qui existe, d’ailleurs, à la Nouvelle ville Ali-Mendjeli où il n’y a qu’un seul généraliste et pas de pédiatre.
En effet, dans cette ville de près de 100 000 habitants, l’offre de soins est très loin de correspondre aux besoins, en plus du manque flagrant de matériels comme c’est le cas à la polyclinique Rouag-Akila à la cité Boussouf. Cette dernière fonctionne avec un seul généraliste. Le seul médecin spécialiste qui existe, à savoir un dentiste, nous dit-on, est en arrêt de travail depuis deux mois, faute de produits anesthésiants.
Conclusion : aucune des polycliniques que nous avons visitées ne fonctionne 24h/24. Certaines devraient même soulever des inquiétudes chez les responsables du secteur de la santé.