Un mort et 70 blessés dont 5 dans un état critique : Déraillement spectaculaire d’un train à Alger

Un mort et 70 blessés dont 5 dans un état critique : Déraillement spectaculaire d’un train à Alger

Un train en accordéon, les voitures sorties des rails, des roues détachées des locomotives, des vitres brisées et du sang partout. Ce sont les images saisissantes du déraillement, hier matin vers 8h, du train électrique n°33 qui reliait Alger à Thénia. Le bilan est lourd : 1 mort et 70 blessés dont 5 dans un état critique. Beaucoup de rescapés étaient en état de choc. Mais ça aurait pu être pire.

Deux voitures, la 104 et la 126 du train assurant la ligne urbaine Alger-Thénia, très fréquentée par les étudiants se rendant aux universités de Bab Ezzouar et Boumerdès notamment, sont sens dessus dessous. Un rescapé raconte le cauchemar. “Le train roulait à une vitesse normale et tout à coup, j’ai entendu un grand bruit, comme si le train était monté sur quelque chose”, lance Mourad 32 ans, qui était à bord du train qui a déraillé. “En compagnie de mon épouse, nous avons pris le train de 7h45 en direction de Thénia. Tout s’est passé normalement jusqu’à Belcourt.

À quelques mètres de la station d’Hussein-Dey, je ressens comme un tremblement de terre. J’ai senti des secousses. Jusque-là, je ne me suis pas inquiété. Un moment après, mon épouse tombe sur moi. Là, je comprends que le train déraille”, décrit-il. Mourad poursuit : “Le cauchemar semblait ne pas vouloir prendre fin. Les secondes semblaient des heures et je craignais que le train se renverse. À cet instant, la panique s’est emparée des passagers, certains pleuraient, d’autres criaient.”

Notre interlocuteur ajoute : “Notre premier réflexe était de sortir. Heureusement pour nous que les portes n’étaient pas bloquées. J’ai vu quelqu’un qui avait le visage ensanglanté, des gens affolés, dans un état second, couraient dans tous les sens. Un homme en furie sorti du train en courant et en criant. Nous avons eu du mal à le calmer.” Le bilan définitif de la Protection civile fait état d’un mort et de 70 blessés dont 5 dans un état critique.

La piste de l’erreur humaine privilégiée

Le train de banlieue Alger-Thénia devait être aiguillé à quelque 150 m de la gare d’Hussein-Dey, une légère déviation pour permettre au rapide Alger-Oran, fonctionnant au diesel, de passer en priorité. Ce dernier train ne devait pas s’arrêter à la gare d’Hussein-Dey. D’après les responsables de la SNTF, l’accident s’est produit au moment de l’aiguillage.

La voiture de tête est sortie de la voie et a été heurtée de plein fouet par la seconde voiture.

Yacine Bendjaballah, directeur général à la Direction des transports, est affirmatif : l’erreur humaine serait à l’origine de l’accident. “Les raisons d’un tel accident sont diverses. Et nous n’écartons pas l’erreur humaine”, a-t-il souligné non sans écarter les autres pistes. “Un pareil accident peut survenir suite au déclenchement du frein d’urgence par un usager ou par le passage du train sur un obstacle”, poursuit-il, avant de préciser que “les nouveaux trains sont dotés de la dernière technologie.

Les boîtes noires vont nous informer sur la vitesse du train et les caméras dans chaque wagon nous dirons si un des passagers a enclenché le freinage d’urgence”.De leur côté, certains cadres de la SNTF, qui ont témoigné sous le couvert de l’anonymat, sont unanimes pour dire que “l’accident pourrait être causé d’une part, par la grande vitesse du train et d’autre part, par une erreur de signalisation”. Et d’ajouter : “L’aiguilleur n’aurait pas émis de signalisation. Ainsi, ajouté à la grande vitesse suspectée, la responsabilité de ce tragique accident serait donc imputée aussi bien au chauffeur qu’à l’aiguilleur”.

Les cadres de la SNTF assurent toutefois que “le mécanicien (chauffeur du train) est un homme d’une cinquantaine d’années, rompu à la conduite des trains” et soutiennent que “depuis l’introduction de l’autorail il a reçu, depuis 4 ans, une formation à l’instar de ses collègues”. Mais, seule l’enquête pourra définir les circonstances et les responsabilités exactes de ce drame. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, s’est immédiatement rendu sur les lieux pour s’informer des causes de l’accident et s’enquérir de l’état de santé des blessés.

Il faut dire que cet accident a fortement perturbé le trafic routier hier matin. La circulation des voitures aux alentours du lieu de l’accident a été interrompue durant plusieurs heures. Les usagers rencontrés dans les transports en commun qui desservent Alger depuis la banlieue, étaient encore sont sous le choc ! Beaucoup tentaient de joindre par téléphone amis, voisins ou membres de leur famille qui ont l’habitude d’emprunter cette ligne ferroviaire. “Depuis que j’ai appris la nouvelle, j’essaye de joindre mon frère.

En vain. Je commence sérieusement à m’inquiéter”, confie une jeune dame qui a fait le choix du tramway. Juste à ses côtés, un homme, encore ébahi d’avoir échappé à l’accident, il raconte : “Quand je pense que je suis d’abord monté dans ce train avant de changer d’avis, j’ai trouvé le wagon trop bondé, j’ai donc changé d’avis et décidé de prendre le tramway.”

Sur les lieux, la noria des ambulances est incessante. Les sirènes retentissent dans tout Alger car les renforts sont appelés de partout. Sur les lieux, les pompiers s’activent pour dégager les blessés le plus rapidement possible et les acheminer vers les différentes structures hospitalières.

De son côté, la Police scientifique entame l’enquête, en délimitant d’abord, un périmètre de sécurité. Viennent ensuite les grues pour soulever les épaves des locomotives. Le spectacle est effrayant et laisse augurer de lourdes pertes

humaines.

Un mort pour l’instant…

Le va-et-vient des ambulanciers est ininterrompu. Les dizaines de blessés sont acheminés vers les hôpitaux les plus proches. Au service des urgences du CHU Mustapha-Pacha, il règne une tension. Les médecins sont les seuls autorisés à accéder aux urgences, dont les portes sont gardées par un important dispositif de sécurité. En effet, de nombreuses familles campent devant l’entrée du service en espérant obtenir des nouvelles de leurs proches hospitalisés.

La tension monte entre ces familles et le service de garde qui a du mal à les maîtriser.

L’hôpital a pourtant mis en place, dès l’arrivée des premiers blessés, une cellule de crise et d’aide psychologique destinée aux proches des victimes. Le directeur général de l’hôpital Mustapha-Pacha, Rabah Bara, a affirmé que “les services d’urgences de cet établissement ont accueilli 93 blessés précisant que 40 d’entre eux ont quitté la structure après avoir reçu les soins nécessaires”.

Le responsable a expliqué à la presse qu’un blessé a été placé en réanimation et que son état est stable. Toujours selon le directeur, le chauffeur du train figure parmi les blessés admis aux urgences de l’hôpital. Les services de l’hôpital ont affiché une liste nominative des blessés admis dans cette structure sanitaire.

Pour rappel, le dernier accident remonte à 2008 où un train de marchandises est entré en collision avec une autre locomotive à hauteur de la gare d’Ammal dans la wilaya de Boumerdès.

Le télescopage avait coûté la vie à l’un des conducteurs des deux locomotives et causé des blessures à quatre personnes. C’est vrai que les accidents de train restent peu nombreux mais il faut les rapporter à la densité du trafic ferroviaire en Algérie qui demeure peu développé.

D S