Chaque semaine, ils se donnent rendez-vous près du siège du cabinet du wali pour dire leur colère. Ils ne la crient plus parce que vraisemblablement cela ne sert à rien, mais ils ne manquent jamais cependant de se poster devant ce lieu administratif officiel du premier responsable de la wilaya d’abord, il est vrai, pour dire leur douleur, mais également pour rappeler aux milliers de personnes qui arpentent quotidiennement l’une des plus importantes artères de la ville que l’Algérie n’est pas l’État de droit que l’on veut faire croire.
Pourquoi ? Parce que les 500 coopérateurs qui ont opté pour Omni-Bat, une entreprise privée de promotion immobilière, ont tenté toutes les démarches possibles pour entrer dans leur bon droit. Celui de pouvoir accéder à un logement que, depuis le temps qu’ils se sont inscrits, ils ont désormais intégralement payé.
Le coût de 1,3 million de dinars l’unité, qu’ils ont versé au promoteur demeure le meilleur indicateur de l’ancienneté du projet à un moment où un produit similaire coûte presque dix fois plus. Entre-temps, leurs familles ont grandi et certains de leurs membres peuvent ici et maintenant être à leur tour demandeurs.
C’est dire. Les protestataires que nous avons approchés se relayeront pour raconter, si ce n’est pour ressasser sans se lasser, ce qu’ils ont dit à tout journaliste qui le leur demandait, répétant donc la même chose à ceux des chaînes de télévision privées. «Nous, nous postons ici régulièrement parce que nous considérons que ‘‘celui qui occupe ces lieux’’ est le représentant direct du président de la République», nous dira M. L., lequel continuant sur sa lancée ajoute : «Qui à Constantine ne connaît pas l’omnipotence de D. Meghraoui ?
Administration locale et tribunaux lui sont inféodés et personne n’osera prendre en charge notre dossier pour la simple raison qu’ils ont tous ‘‘du foin dans l’estomac’’.» Est-il besoin de rappeler que le promoteur en question a fait l’objet d’un tir nourri collectif des représentants locaux de la presse à la suite d’une déclaration faite par un élu de la commune de Constantine accusant le président de l’Assemblée d’être «passé outre ses attributions pour délivrer une autorisation de construire à D. Meghraoui sur une zone réputée inconstructible après que les services concernés, autrement dit la direction de l’urbanisme, aient émis un avis défavorable».
Il faut dire que la salve médiatique n’aura pratiquement servi à rien compte tenu de la «puissance» de ce promoteur qui se trouvait être également mouhafadh du FLN avant une destitution, qui a d’ailleurs suivi celle du SG du FLN, en l’occurrence Abdelaziz Belkhadem, dont il était l’un des hommes de confiance, mais aussi et surtout, devant l’Eternel, important bailleur de fonds du parti.
«Une puissance d’argent doublé d’une puissance politique, voilà ce qui lui a valu et lui vaut paradoxalement jusqu’à ce jour l’impunité totale. Nous vous en donnons pour preuve ses relances incessantes sur une réévaluation du coût unitaire de chaque logement en raison du fait que, selon son argument, le prix de revient avait bondi compte tenu de l’envolée des prix des matériaux de construction. Ce qui n’est pas plausible, aucune clause contractuelle n’évoquant cet aspect du dossier pour le simple motif que les délais de réalisation allaient être respectés selon le promoteur lui-même», renchérira une vieille femme faisant partie des protestataires.
Il faut toutefois souligner que des projets du genre qui trainent en longueur sont nombreux à hauteur de la wilaya, mais ont sans doute moins d’acuité, celui-ci faisant l’actualité depuis près d’un mois, c’est-à-dire depuis le jour où les coopérateurs ont décidé de couper la circulation sur l’une des routes nationales les plus importantes de la région en ce sens qu’elle dessert de nombreuses wilayas de l’est du pays.
A. L.