Du thé à la menthe, des merguez, du kalbellouz et de la «quarantita» au pays du froid.
C’est son fils qui vit au Canada depuis quelques années auquel ce retraité de la «plume» rend visite encore une fois. Pour ce faire, il a enjambé trois continents, une mer et un océan. Cette fois-ci, en effet, il a choisi de transiter par Paris en empruntant une autre compagnie aérienne qu’Air Algérie laquelle assure pourtant un vol direct Alger-Montréal et retour.
Pour un Algérien de condition moyenne, ce «trip» est un véritable voyage vu sous le signe d’une épopée au regard du nombre d’heures de vol qui séparent ces deux grandes villes. Il se rappelle des longues huit heures de vol presque muettes qu’il fallait occuper par la lecture, la musique, un film… En passant par Paris, les deux ou trois heures de transit brisaient quelque peu la durée de cet interminable vol.
L’arrivée à l’aéroport Eliott Trudeau de Montréal lui fit rappeler l’accueil qu’il avait réservé à Alger à ce même fils résidant aujourd’hui au Canada lors de son retour d’une «Omra» il y a quelques années. La même émotion emplissait son coeur au contact de l’avion sur le tarmac de ce nouveau monde. Pas de cohue, pas de précipitation. Tout était réglé comme du papier à musique. Il n’avait qu’à suivre les nombreuses et claires indications. Présentation des documents à l’un des nombreux guichets comme partout ailleurs du reste mais si nombreux que la multitude de passagers de plusieurs vols était traitée simultanément.
Après quelques minutes il s’engouffra dans une file de passagers qui l’emporta en un mouvement jusqu’à la sortie. Son fils étant au travail ce jour- là, il ne tarda pas à apercevoir sa bru, ni d’être aperçu par celle-ci, tous deux alertes pour ne pas se «rater» l’un et l’autre. Embrassades, émotions, les yeux embués par la joie ils quittèrent lestement les lieux pour se diriger vers le garage-parking non sans avoir auparavant payé le tarif automatiquement par carte bancaire sans avoir à s’adresser à un préposé pour une quelconque explication.
Les premières impressions défilent immédiatement tout au début de l’autoroute qui mène vers la ville. L’immensité des espaces l’a tout de suite frappé. Il lui semblait être dans un monde non peuplé par des humains tant les choses étaient surdimensionnées pour un Algérois qui souvent n’arrivait même pas à prendre le bus, héler un taxi ou garer sa voiture. Passons sur les conciliabules qui suivirent une fois arrivés à la maison ni ceux qui se poursuivirent après le retour de travail du «fils» à la maison, pour parler du milieu dans lequel vit un certain nombre d’émigrés loin de la terre natale, de leurs souvenirs, de leurs repères… de leur soleil.
Les Algériens citadins et autres émigrés du Maghreb surtout, qui vivent et travaillent à Montréal intra-muros ou en proche banlieue, se retrouvent pour la plupart le week-end au quartier «Jean Talon» situé au coeur de la «Petite Italie», un lieu ainsi dénommé car il fut le premier point où s’établirent les premiers émigrés italiens. Le quartier est surtout connu pour son marché de fruits et légumes. Notre retraité voyageur n’a pas hésité à y faire un tour. Il fut surpris, agréablement, par l’ambiance qui ressemblait fort bien à celle des marchés méditerranéens où les couleurs, les odeurs raffinées des fruits et légumes embaument l’air.
Une fois à l’extérieur du marché, ce délice des yeux continue mêlé aux fumets enivrants des plats qui cocottent dans les nombreux petits restaurants qui entourent le marché couvert. On y trouve même des merguez et des brochettes grillées à la braise, à déguster rapidement sur le pouce ou même un couscous maison pour «tromper» l’envie d’un vrai, du terroir. Parmi les amis de son fils, le retraité voyageur rencontra divers Algérois avec lesquels il sirota moult cafés et thés. Il a eu même l’occasion de savourer une «quarantita» agrémentée de harissa dans un estaminet du quartier. Une pâtisserie mitoyenne, expliquait le fils à son papa émerveillé, servait tout le long du Ramadhan des «cachotteries» sucrées de chez nous pour accompagner la soirée avec du thé à la menthe que certains cultivent à bon escient même dans des récipients ornementaux au niveau de leur logement. Du reste, ce quartier, maghrébin dirions-nous, est fort fréquenté pendant le mois sacré du Ramadhan durant lequel on peut assister à de mini concerts de chaâbi dispensés ici et là.
Toujours est-il qu’il existe un grand marché de fruits et légumes, plutôt une grande surface, immense par sa taille, où l’on peut s’approvisionner, outre les légumes et fruits de divers pays de l’hémisphère Sud, en denrées destinées exclusivement à la préparation des mets et gâteaux maghrébins, orientaux, asiatiques ou africains. On y trouve à profusion des pistaches et surtout des amandes qui composent la majorité des gâteaux maghrébins et algériens en particulier. Pour mieux supporter «l’exil», certains ont créé des groupes sportifs pour s’entraîner au ballon le week-end. Diverses dispositions sont négociées avec la mairie du coin qui leur accorde une salle d’entraînement ou un espace libre pour s’adonner à leur sport préféré et raffermir les liens au sein de leur communauté.
‘autres ont l’occasion de fréquenter les mosquées de quartier (massalate), les vendredis surtout, pour se retremper dans l’atmosphère du pays où ils ont vu le jour. Quelque 60.000 Algériens vivent au Canada. La majorité d’entre eux est établie dans la province du Québec, région de Montréal. Ces chiffres quoique non-officiels seraient en deçà de la réalité.