Un troubadour à la forêt de Bouchaoui

Un troubadour à la forêt de Bouchaoui

La forêt récréative de Bouchaoui (Alger), qui fait régulièrement le plein de promeneurs les week-ends, doit sa réputation à son site unique, à ses aires de jeux, à ses cafétérias au milieu de la nature, à ses itinéraires balisés pour le jogging amateur et, depuis peu, à un troubadour qui fait le bonheur des grands et des petits.

La soixantaine bien entamée, casquette vissée sur la tête, lunettes de soleil adaptées, bretelles retenant un pantalon ample dans le plus pur style des années d’insouciance, l’homme fait désormais partie du mobilier de la plus grande terrasse de café implantée sous les arbres centenaires, et vient rappeler à l’évidence le manque cruel de divertissements dans l’espace public.

Tous les vendredis et samedis, il répond présent aux centaines de personnes qui viennent tour à tour s’installer dans ce spacieux et agréable endroit pour leur proposer un répertoire de chansons anciennes, d’expression française notamment, choisies parmi celles dont l’air et les paroles offrent ce sentiment de quiétude tant recherché.

L’homme –il ne dévoile pas son nom car il veut incarner un certain esprit plus qu’un personnage de gala– évolue de table en table avec une vraie et authentique guitare à la main et commence toujours son « spectacle » en murmurant aux oreilles des enfants attablés une chanson pourtant conçue pour bien plus grands qu’eux.

Que retiendrait en effet un enfant d’un tube du milieu du siècle dernier comme « Lamento » de Frédéric Monteil ou « Tombe la neige » de Salvatore Adamo ou encore « Capri » d’Hervé Vilard parmi tant d’autres succès de la chanson populaire française.

Ces mélodies douces, bien exécutées par ce charmeur visiblement convaincu de ce qu’il fait, semblent pourtant bercer enfants et nourrissons et laisser rêveurs les adultes, soudain, rappelés à leur passé de jeunes mélomanes et de jeunes,  tout court.

Mais combien sont-ils autour de ces tables à reconnaître et à apprécier ces airs d’un autre temps? Pas très nombreux, en effet, répond l’artiste autoproclamé, qui ne désespère pas pour autant de faire connaître à son « public » la beauté de ces éternelles, tel qu’elles étaient interprétées dans les années 1960, et ces airs un peu tombés dans l’oubli.

L’homme, qui n’a pas embrassé de carrière d’artiste, se dit « volontaire » mais ne refuserait pas une petite pièce qu’une âme généreuse lui tendrait pour lui permettre de boucler ses fins de mois de retraité dans la dignité et la satisfaction du « devoir de distraction » accompli.

A un visiteur enchanté qui lui demandait de compléter le tableau en posant sur la petite table ronde qui lui sert de secrétaire un chapeau pour recueillir des dons bien mérités, il répondit que son plus grand bonheur est de procurer aux promeneurs de Bouchaoui, le temps d’un week-end, un « petit bout de félicité » arraché à la routine et à la morosité de leur quotidien.

Et c’est réussi.