Grand moment d’émotion hier après-midi au cimetière du Père-Lachaise à Paris où les enfants et les proches de Maurice et de Josette Audin se sont réunis pour célébrer l’union pour l’éternité du mathématicien et de son épouse. La cérémonie a été marquée aussi par la présence de nombreuses personnalités, dont l’adjointe à la maire de Paris, Marie-Christine Lemardeley, le moudjahid Sadek Hadjeres, les députés Cedric Villani et Pierre Jumel, Pierre Mansat, président de l’Association Maurice Audin, des responsables du parti communiste, de syndicats et d’organisations des droits de l’Homme et contre le racisme, ainsi que de nombreux militant anticolonialistes.
Avec Michèle et Pierre, les enfants du couple Audin, Pierre Mansat est l’un des concepteurs de l’hommage populaire qui a été rendu au couple disparu. Celui-ci marque le 62e anniversaire de l’arrestation de Maurice Audin, à Alger, par les parachutistes de l’armée française. Il intervient également quatre mois après le décès de Josette Audin. À 16h15, un cortège s’est formé à l’entrée du cimetière, derrière Michel et Pierre qui ont dispersé les cendres de leur mère dans le jardin du souvenir, à proximité du Crematorium. Les présents se sont ensuite dirigés vers l’emplacement d’un cénotaphe érigé à la mémoire de Maurice Audin. Le monument inauguré par l’adjointe de la maire de Paris se trouve à côté du Mur des fédérés, un lieu symbolique qui rappelle le sacrifice des révolutionnaires français. Pour rappeler le lien qui a uni Maurice Audin à l’Algérie, son pays d’adoption, une carte du territoire national a été gravée sur le cénotaphe.
À l’intérieur, une longue inscription pointe à travers son histoire tragique la cruauté du système colonial français et des régimes contemporains qui ont recours à la violence pour écraser leur population. “Le souvenir de Maurice Audin et des autres victimes de cette terrible répression ne peut que renforcer la détermination de toutes celles et de tous ceux qui luttent pour que les crimes d’État, les arrestations arbitraires, la torture et les disparitions forcées qui ont cours partout dans le monde soient reconnus, punis et ne puissent plus se reproduire”, lit-on dans le dernier paragraphe sculpté sur la plaque.
En introduction, deux dates sont mises en relief. La première (14 février 1932) marque la naissance de Maurice Audin, la seconde, plus approximative, celle de son assassinat par les militaires francais. Il aura fallu attendre 61 ans pour que la France, sous la direction du président Emmanuel Macron, reconnaisse les faits. “Le président de la République a également reconnu que la mort de Maurice Audin avait été rendue possible par un système légalement institué d‘arrestation-détention’ mis en place grâce au vote par l’Assemblée nationale de pouvoirs spéciaux qui confièrent à l’armée tous les pouvoirs de police à Alger. Des milliers d’Algériens ont connu le même sort”, précise le texte écrit sur la plaque du cénotaphe.
Maurice Audin avait été interpellé en même temps que Georges Hadjadj et Henri Alleg, deux autres militants du parti communiste engagés comme lui dans la lutte politique pour l’indépendance de l’Algérie. Pour dissimuler son crime, l’armée française avait affirmé à Josette Audin que son mari s’est enfuis. Pendant des décennies, la veuve a continué à remuer ciel et terre pour connaître la vérité. Mais elle est décédée sans savoir où se trouve la dépouille de son mari. En lui attribuant un cénotaphe, ses enfants, ses amis et tous ceux qui ont défendu sa mémoire ont voulu lui rendre justice. “Privé de sépulture, Maurice Audin a ainsi un monument, pour toujours, dans la mémoire des hommes”, a souligné Pierre Mansat dans une déclaration.
S. L.-K.