Rien que pour le premier semestre de l’année en cours, il a été enregistré, selon le ministre du Commerce, quelque 24 000 infractions, des dissimulations de chiffre d’affaires de l’ordre de 40 milliards de dinars alors que plus de 24 000 tonnes de marchandises ont été bloquées aux frontières.
Le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb, a révélé, hier, que sur les 60 milliards de dollars d’importation enregistrés en 2014, 30% sont des transferts illicites de devises. Environ 18 milliards de dollars, si l’on se fie aux chiffres avancés par le ministre, sont ainsi transférés chaque année de manière illégale vers l’étranger. Les importateurs indélicats ont recouru dans leurs opérations au procédé classique, à savoir la surfacturation. Cette infraction “a énormément renchéri le coût des importations”, remarque-t-il. “Ce sont souvent les nationaux qui sont impliqués dans les transferts de devises”, explique-t-il. Ces opérateurs “ont créé des sociétés écran à l’étranger. Ils sont à la fois vendeurs et acheteurs de ces produits et déterminent eux-mêmes les prix. Ils se sont rendus coupables de ces transferts qui ont pris une ampleur inquiétante”, observe-t-il. “Quand on compare la facture des importations à la valeur réelle de celles-ci, le coût est presque de 30%”, souligne-t-il encore. “À travers mes propos, je ne suis pas en train de diaboliser les importateurs ou la fonction commerciale. Celle-ci est une activité économique utile. Les importateurs jouent, eux-aussi, un rôle économique essentiel”, tient à préciser, toutefois, M Belaïb. Car, argue-t-il, c’est grâce à l’ouverture du commerce extérieur et aux opérateurs qui y activent et approvisionnent le marché national que l’on a pu mettre fin aux pénuries cycliques ayant touché les produits de première nécessité il y a quelques années de cela.
Une manière à M. Belaïb de dire qu’il faut impérativement séparer le bon grain de l’ivraie.
Ce fléau économique qui a pris des proportions alarmantes, tel que l’a signalé hier le ministre sur les ondes de la radio Chaîne III, pose de nouveau la lancinante problématique de contrôle que doivent assurer les services du département du commerce aux frontières. C’est au gouvernement, par le biais du ministère du Commerce, des douanes, des banques, des services des impôts… de contrôler toutes les activités commerciales et de réguler le marché national. Des efforts sont, certes, consentis par ces institutions mais beaucoup reste à faire surtout quand toutes ces transgressions de la réglementation prennent une telle ampleur. “Dans la sphère marchande globale, le taux de délinquance est très élevé”, constate le ministre. Rien que pour le premier semestre de l’année en cours, il a été enregistré, selon lui, quelque 24 000 infractions, des dissimulations de chiffre d’affaires de l’ordre de 40 milliards de dinars alors que plus de 24 000 tonnes de marchandises ont été bloquées aux frontières. La tutelle a également poursuivi en justice une centaine d’importateurs suite aux différentes actions de contrôle menées à travers le territoire.
Licences d’importation : 15 produits concernés jusque-là C’est dire que les taux de fraude et d’évasion fiscale commis sur le marché ont dépassé tout entendement. D’où la décision de reprendre les licences d’importation sur certains produits dès 2016 afin de mieux protéger l’économie nationale. Dans une première étape, une quinzaine de produits seront concernés par cette mesure. Ils seront choisis suivant certains critères. “Ce sont ceux qui pèsent lourdement sur la balance des paiements du pays”, indique l’invité de la radio.
Ceux dont les transactions avec l’extérieur n’ont pas été conclues dans une grande transparence ou font l’objet d’une spéculation, figureront, eux aussi, sur cette liste. Les produits introduits sur le marché de façon illimitée qui représentent une menace pour les industries naissantes ou les investissements en Algérie, seront, en outre, soumis à cette disposition.
Le choix est porté autant sur ceux (produits) pour lesquels notre pays n’a pas bénéficié de contrepartie de la part des fournisseurs, notamment en matière d’investissement, de développement de réseau de maintenance… “La mise en place de ces licences répond donc à toutes ces conditions”, précise Bakhti Belaïb. Parmi ces produits, il a cité les véhicules, le rond à béton, les matériaux de construction. “Le jour où les importations de ces produits se dérouleront de façon légale, ils seront retirés du système de licence. Ils seront remplacés par d’autres produits qui poseront problème sur le marché”, affirme le ministre.
Ce dispositif d’autorisations d’importations a pour objectif, rappelle-t-il, de mieux contrôler et réguler le marché d’autant plus que la conjoncture actuelle est marquée par un net recul des revenus pétroliers. “Il faut, de ce fait, rationaliser nos importations et commencer à importer tout ce qui est utile à notre économie et à la consommation des ménages”, relève-t-il. Le mode opératoire de ce dispositif est, d’après le ministre, fondé sur la transparence. “Pour chaque produit soumis à une licence, à des contingents, les importateurs potentiels seront informés par voie de la presse”, déclare-t-il.
Le système est décentralisé, les demandes de licences peuvent être, par conséquent, déposées au niveau des directions du commerce. “La loi nous impose un délai de réponse d’un mois pour les licences non
automatiques, c’est-à-dire celles gérées par le dispositif. En ce qui concerne les autorisations (licences), automatiques, celles ayant trait, entre autres, aux réglementations techniques, le délai de réponse est fixé à 10 jours”, promet-il.
Credoc : “Je milite pour le démantèlement de ce mode de paiement”
La décision de la désignation des produits concernés par ces licences et les quantités à soumettre aux contingents sera prise, atteste-t-il, en concertation avec les organisations patronales et les secteurs impliqués. Un comité composé de représentants des ministères des Finances, de l’Industrie, de l’Agriculture, des banques, des douanes, des impôts est créé dans ce cadre et il est présidé par le secrétaire général du département du Commerce.
Il se réunit une fois par mois pour contrôler l’état d’exécution des contingents et des dispositions des licences de manière générale.
“Les voies de recours restent en revanche ouvertes aux opérateurs”, rassure-t-il.
À une question relative au crédit documentaire (Credoc) instauré par la Loi de finances complémentaire de 2009 et qu’il qualifie de “crime économique”, le ministre répond : “Des importateurs de bonne foi ont été arnaqués par leurs fournisseurs mais on leur a imposé un mode de paiement qui consiste à payer la marchandise avant sa réception. Je suis personnellement contre ce mode de paiement car il ne sert pas mon pays.” Pour exprimer de façon franche sa colère contre une telle mesure,
Bakhti Belaïb œuvrera pour le “démantèlement rapide de ce mode de paiement” non sans conclure avec un brin d’ironie : “Je ne suis pas en état de rébellion contre le Premier ministre.”
B. K.