Une circulaire qui fait désordre et une grève de collégiens et de lycéens en Kabylie: Benghabrit face à de nouvelles épreuves

Une circulaire qui fait désordre et une grève de collégiens et de lycéens en Kabylie: Benghabrit face à de nouvelles épreuves

Benghabrit devrait rassurer les collégiens au risque de voir cette contestation faire tache d’huile. Une tournure dont le gouvernement voudrait bien faire l’économie.

En décidant, contre toute attente, de produire une circulaire à l’adresse des directeurs de l’éducation (DE), des inspecteurs de l’enseignement primaire et moyen, ainsi qu’aux directeurs de CEM, stipulant la mise en place d’un dispositif durable de remédiation pédagogique aux difficultés d’apprentissage dont souffrent nombre d’élèves en vue d’améliorer leur niveau, la ministre de l’Éducation nationale, Nouria Benghabrit, déjà confrontée à un courant conservateur dans le secteur, ne devait sans doute pas s’attendre à un telle levée de boucliers de la part des syndicats du secteur.

À l’unanimité, presque, les syndicats ont rejeté cette circulaire. Non seulement parce qu’elle est perçue comme un cautère sur une jambe de bois, mais également parce qu’elle prive les enseignants d’un droit fondamental qui est celui du repos hebdomadaire. Fruit d’un travail de quatre années des experts, selon la première responsable du secteur qui s’exprimait il y a quelques jours à El-Oued, la remédiation pédagogique vise à aider notamment les élèves des 1re et 2e années primaires (AP) et 1re année moyenne (AM) qui ont montré des difficultés d’acquisition des connaissances ou de méthodes, aussi bien au cours de l’année scolaire que lors du passage aux niveaux supérieurs. Destinée à lutter contre la déperdition scolaire, la remédiation comporte un certain nombre de mesures dont l’élaboration d’un calendrier fixant les horaires de remédiation pédagogique en dehors des heures de cours, à savoir les jours de semaine, y compris les mardis après-midi et les samedis. “C’est une diversion pour détourner les syndicats de la plateforme de revendications qu’ils réclament depuis longtemps et à laquelle la tutelle oppose un silence”, estime Achour Idir du CLA. Selon lui, cette mesure “n’a aucun sens sur le plan pédagogique, dans la mesure où les élèves, déjà submergés par la surcharge du programme, ont beaucoup plus besoin de loisirs”. “Cela sans compter le fait que la ministre n’évoque pas la rémunération de ces heures supplémentaires”, observe-t-il. “L’ère du bénévolat est révolu”, reprend, de son côté, Meziane Meriane qui considère, comme le responsable du CLA, que le système éducatif a besoin d’une refondation dans sa globalité. “On doit d’abord chercher les causes de l’échec avant de chercher à y remédier”, dit-il.

Alors que la mesure semble faire désordre, à quelques jours de la création d’une fédération des syndicats, Nouria Benghabrit devra aussi faire face à un autre problème aussi inattendu : la grève déclenchée depuis le 14 octobre dernier par des collégiens et des lycéens dans plusieurs établissements en Kabylie pour boycotter les cours d’arabe en réaction à une action de parents d’élèves à Jijel qui ont affiché leur refus de l’enseignement de tamazight à leur progéniture. Benghabrit, qui ne s’est pas exprimée, pour l’heure, sur cette grève, devrait rassurer les collégiens au risque de voir cette contestation faire tache d’huile. Une tournure dont le gouvernement voudrait bien faire l’économie, maintenant que son curseur, après les dernières péripéties de l’Assemblée, est fixé sur l’échéance de 2019. À quelle parade va-t-elle recourir pour entretenir la sérénité dans un secteur, terrain de toutes les luttes autant politiques, idéologiques que syndicales ? Si elle a pu avec plus ou moins de bonheur se sortir du scandale des fuites du bac, dont beaucoup n’excluent pas un coup fourré des forces conservatrices et islamistes qui ont pris en otage l’école, Nouria Benghabrit, au regard du contexte politique actuel, risque de se retrouver face à un nouveau foyer de tension qu’il sera difficile d’apaiser, d’autant que les revendications portant sur la révision du statut, les œuvres sociales et le pouvoir d’achat font consensus chez les syndicats, lesquels ne manqueront pas de revenir à la charge dans les prochaines semaines. Mais elle est d’ores et déjà confrontée à de nouvelles épreuves…

K. K.