L’ONU-Femmes propose une série de recommandations pour valoriser les femmes journalistes dans la presse écrite et électronique, et recommande à l’Arav d’instaurer une convention pour lutter contre les stéréotypes sexistes.
Les femmes sont majoritaires dans les effectifs des médias, mais sont moins représentées dans les postes de responsabilité et faiblement, ou pas du tout, aux postes de décision. C’est ce qui ressort d’une étude réalisée dans le cadre du programme de coopération intitulé “Renforcement de l’effectivité de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes en Algérie 2015-2018” lancé par l’Algérie et l’ONU- Femmes, avec le soutien du gouvernement belge, dans le cadre du programme de la coopération Algérie-Belgique (2014-2017). Intitulée “Femmes et médias en Algérie : situation socioprofessionnelle et visibilité”, cette enquête remet en cause l’engagement du gouvernement algérien à instaurer cette égalité et à assurer l’accès légal des femmes aux postes de décision.
Prenant en compte plusieurs critères, comme le sexe, le niveau socioprofessionnel au sein des principaux organes de presse publics et privés (presse écrite et électronique, radios, TV), cette recherche a le mérite de lever le voile sur ce fossé flagrant qui se creuse entre les journalistes (hommes et femmes). En effet, selon les données avancées, on note que dans les télévisions, les radios, la presse publique, les organes de presse privés (23 journaux et sites), 2 fonctions supérieures sur 5 sont occupés par des femmes, soit un taux de 39% du total des postes.
En revanche, aux postes d’encadrement, les femmes sont largement majoritaires avec une part de 72% et aux postes d’exécution avec un taux de 40%.
Les femmes journalistes peu valorisées dans la presse écrite
Au niveau des chaînes de télévision publiques, les femmes représentent 66% des effectifs à la direction des programmes. Aux structures opérationnelles, elles représentent 52% des effectifs, comme les reportages (70%), les émissions spécialisées (59%) et la production des programmes (50%). “En revanche, dans d’autres structures stratégiques, la parité n’est pas encore atteinte, comme c’est le cas au sein des directions de l’information, des sports et de la coordination des JT”, révèle la même source.
Quid des télévisions privées ? Selon l’étude, plus du tiers des journalistes sont des femmes (38%). Le pourcentage de femmes à des postes de responsabilité est aussi significatif (entre
33 et 50%). Situation similaire à la Radio nationale où les femmes journalistes sont bien représentées et occupent également certains postes de responsabilité, avec un taux de 25% dans les directions centrales, 70% aux postes de département. Par ailleurs, dans la presse écrite, la part des femmes journalistes dans les effectifs totaux des journalistes hommes et femmes des titres (papier) observés est assez appréciable, atteignant 40% en moyenne, et 38% en moyenne dans la presse électronique, a indiqué cette étude. En matière de postes de responsabilité, la tendance est supérieure avec une moyenne de 33% de femmes cadres. En revanche, “dans le cas de la presse électronique, cette part est plus faible (17%)”, développe la même étude qui, par ailleurs, a touché des points sensibles comme l’épanouissement dans le travail et l’effectivité de l’égalité hommes/femmes avec des thèmes liés au harcèlement sexuel, l’existence de stéréotypes liés au genre dans l’information et l’équilibre entre vie professionnelle/vie privée. Il ressort, en termes de visibilité générale, que “les chaînes publiques accordent une meilleure place aux femmes que les chaînes privées, soit un taux de 36% contre seulement 16%”. Et d’expliquer que “quand les femmes sont visibles aux écrans, elles le sont moins par la thématique ou le sujet abordé (22%) que par leur position”. Idem au niveau des radios, avec un taux de 23% de cette visibilité. Dans la presse écrite, il a été démontré que 44% des signatures identifiées sont celles de journalistes femmes dans la presse francophone et 37% dans la presse arabophone. “Cette faible visibilité demeure parfois assujettie aux représentations d’une division traditionnelle des rôles sociaux. Les femmes sont souvent absentes de sujets traitant de politique, d’économie et de science, sauf dans des cas où elles interviennent en tant que représentantes institutionnelles. Elles sont surtout présentes dans les sujets dit sociaux, le plus souvent dans des rôles traditionnels de mère au foyer ou d’intervenante activant dans l’éducation, l’enfance, la santé, le caritatif, l’artisanat et l’associatif”, note cette étude. Et contre toute attente, la presse électronique n’a pas bouleversé ces codes et ces stéréotypes, même si “l’intérêt médiatique accordé aux femmes est plus fréquent dans la presse électronique avec un taux de 25%”.
Très peu protégées par la loi
L’étude déplore que “la loi organique et les textes qui en découlent n’évoquent pas explicitement les problématiques de genre dans les médias. Ni dans la marche vers la parité en matière d’accès à des postes de décision ni dans la lutte contre les stéréotypes et les images négatives dans les programmes”. Elle souligne que “dans les articles du code liés à l’éthique et la déontologie, le législateur ne mentionne pas la nécessité de ne pas diffuser des stéréotypes sexistes/dégradants à l’égard des femmes”. En revanche, la loi sur l’audiovisuel (n°14-04, art. 48, alinéa 29) et les textes subséquents, notamment le décret exécutif n°16-222 portant cahier des charges générales (art. 11), “invoque explicitement le genre (…), les responsables des médias doivent veiller à ne pas faire l’apologie de la violence et ne pas inciter à la discrimination raciale, au terrorisme ou à la violence à l’égard de toute personne en raison de son origine, de son genre, de son appartenance à une race ou à une religion déterminée, et de ne pas porter atteinte à l’intégrité morale d’une personne en vie ou décédée”. Mieux, dans son article 48, le texte précise que “les messages publicitaires diffusés utilisant l’image de la femme ne doivent comporter aucune référence susceptible de lui causer un préjudice ou à déconsidérer son statut, son honneur et sa dignité”. Toutefois, reconnaissent les enquêteurs, “la place des femmes dans le secteur de la communication et les entreprises de presse, qu’elle soit écrite ou audiovisuelle, représente un poids relativement important, malgré une présence minoritaire aux postes de direction”. L’étude a conclu aussi qu’il n’y a “pas de discrimination dans l’accès à l’emploi, mais des contraintes sociales persistantes qui ralentissent les carrières. Il ne semble pas y avoir de discrimination dans l’accès à l’emploi ou dans les grilles des salaires en vigueur, aussi bien chez les employeurs privés que publics”.
L’Arav interpellée pour l’élaboration d’une convention
Cela étant dit, les horaires de travail nocturne, notamment pour les femmes confrontées à diverses contraintes, dont les pesanteurs sociales et l’insécurité sur les espaces publiques pèsent sur cette visibilité et l’épanouissement.
L’étude recommande de “reconduire la présente étude afin de définir, dès à présent, des objectifs à atteindre et des grands axes d’amélioration”. Il s’agit, selon le même document, de “briser le plafond de verre en rendant les postes de décision accessibles aux femmes, de créer un environnement propice à l’épanouissement des femmes à travers de meilleures conditions de travail, de généraliser la sensibilisation aux questions d’égalité de genre dans les médias, de promouvoir la présence accrue des femmes dans les organisations et les instances, de travailler à une réduction tangible de la discrimination de genre et d’améliorer l’image des femmes dans les médias”. En termes de mesures pour favoriser l’égalité des genres dans les médias, les enquêteurs proposent “la réalisation, soit au plus tard en 2019, de la parité dans les postes de dirigeants au sein des médias publics et d’élaborer, avant la fin de 2018, une politique visant à l’égalité des chances et des dispositifs d’application détaillés”. Bien mieux, cette étude propose de promouvoir des conventions collectives de cette égalité, d’accroître de 10%, chaque année, le pourcentage de femmes dans le traitement des sujets où elles sont minoritaires et d’appliquer un mécanisme de prévention, de plainte, de soutien et de réparation en cas de harcèlement sexuel et de brimades sur le lieu de travail.
Le même document interpelle l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (Arav) pour élaborer une convention portant sur la lutte contre les stéréotypes fondés sur le genre et la promotion de la culture de l’égalité dans le secteur audiovisuel algérien, de valoriser les reportages donnant une représentation multidimensionnelle des femmes pour lutter contre les stéréotypes sexistes.