Le couple et ses quatre enfants, cueillis manu militari à Bethoncourt la semaine dernière, ont été placés tôt ce mardi matin dans un avion pour Marseille. En fin d’après-midi, ils étaient sur un bateau qui devait arriver à Alger.
« C’est atroce : on me dit que la petite Aya n’a plus qu’une botte et une chaussette… ». Pour anecdotique qu’elle soit, cette image fait trembler d’émotion la voix de Nora Boudriaa. Depuis le début, cette Montbéliardaise soutient, aux côtés d’associations, la famille Kribi dans ses démarches. Mais la dernière nouvelle en date sonne comme la fin du combat : le couple et ses quatre enfants, âgés de 18 mois à 12 ans – les deux dernières étant nées en France —, devraient ce mercredi matin être arrivés à Alger. Pourtant, la famille n’a rien à voir avec cette ville.
Kouider Kribi, le père, chauffeur de taxi, avait fui Oran voilà quatre ans à la suite de démêlés avec un concurrent. « Quand ma femme a été menacée, j’ai décidé de partir pour nous protéger », nous avait-il confiés. Après un court détour par Besançon, la famille s’était installée, voilà plus de trois ans et demi donc, dans un logement géré par le CADA (centre d’accueil des demandeurs d’asile) à Bethoncourt. Les enfants étaient depuis scolarisés dans la commune.
Vol spécial
Oui mais voilà : les demandes d’asile de la famille ont été rejetées plusieurs fois et les différentes voies de recours ont échoué. Depuis mi 2015, elle était donc sous le coup d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français) et a été sommée fin 2016 de quitter son hébergement. Après une première tentative avortée, début mars (le couple, soutenu par le voisinage, s’était barricadé chez lui), les gendarmes ont arrêté, mardi 18 avril, au petit matin, toute la famille. Et ce malgré l’émoi des voisins et des nombreux soutiens, dont les enseignants des enfants qui louaient leur intégration et leurs qualités scolaires.
Conduite directement à l’aéroport d’Orly, la famille avait été débarquée de l’avion, mercredi, par le commandant de bord : la maman refusait ce voyage forcé. Depuis lors, les six personnes étaient détenues au centre de rétention administrative de Le Mesnil-Amelot, à proximité de Roissy. Par deux fois, en urgence, la justice a rejeté, la semaine dernière, leur demande de mise en liberté.
A priori, tôt ce mardi matin, les Kribi ont quitté le centre : ils ont été placés dans un vol spécial police, parti du Bourget et arrivé à Marseille. Dans la cité phocéenne, les forces de l’ordre les ont fait embarquer sur un bateau en direction d’Alger « Où il n’y a personne pour venir les chercher et où ils n’ont pas de famille », soupire Nora Boudriaa. « On déploie des moyens énormes pour expulser des miséreux. Sur le fond, comme sur la forme, c’est très choquant. Ces pauvres enfants… »