Une journée au berceau de Ali la pointe : Il n’y a pas que des cerises à Miliana…

Une journée au berceau de Ali la pointe : Il n’y a pas que des cerises à Miliana…

C’est aussi un creuset culturel animé par nombre d’étoiles sportives et didactiques.

Il serait prétentieux de notre part d’essayer de présenter de nouveau la reine de l’antique massif Zuccabar, ou Zaccar de nos jours, sur lequel trône la fière Miliana si chérie par poètes et chanteurs et…gourmets. Cet important et doucereux hameau accroché aux flancs du Zaccar, devenu ville aujourd’hui, est connu par les amoureux du farniente, de temps doux de par son léger escarpement de 700 mètres d’altitude tout en étant proche de la mer et en plein Atlas, sans oublier ses cerises dont la beauté, le goût et leur aspect «royal» comme l’indique leur nom local «Graines des Rois» ou «Hab El Moulouk». Elles ne sont plus à vanter!

Cette antique ville, vers laquelle on grimpe allègrement par moult lacets routiers qui nous font découvrir au fur et à mesure de notre «escalade», des vues différentes de la plaine du Cheliff, fut la plus importante étape pour les «hadji» en partance pour La Mecque. Ils venaient du Maroc, du Sahara ou même de la Kabylie voisine pour y observer une halte bienfaisante et reposante en vue du long trajet qui reste à parcourir vers le tombeau du prophète Mohammed (Qsssl).

Miliana servit aussi, jadis, de ville garnison au prestigieux Emir Abdelkader qui y installa son califat en 1835 et y édifia plusieurs ouvrages civils et militaires. La pièce maîtresse de ces ouvrages fut, sans aucun conteste, la manufacture d’armes construite en 1839, après huit mois de travaux, en contrebas des vieux remparts de la ville, suite au traité de la Tafna avec l’occupant français, qui garantissait à l’Emir ce genre d’initiatives.

Selon la responsable du musée de la manufacture, Mme Hamidi Radhia, qui arborait un dépliant du ministère de la Culture, Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés, ce site fut choisi en raison de sa situation géostratégique d’où l’édifice militaire surplombant du haut des escarpements du Zaccar, la grande plaine du Cheliff, de l’abondance en eau de l’oued El Anasser pour produire de l’énergie hydraulique grâce à une roue placée au milieu des chutes d’eau. C’est cette énergie qui faisait fonctionner l’équipement de l’usine. L’autre raison, explique Mme Hamidi, et non des moindres, était l’abondance de matières premières, en l’occurrence le bois et le minerai de fer réputé du Zaccar qui a fourni la matière première (fer puddlé) pour la construction de la tour Eifel de Paris en 1889. Pratiquement, le quart de la population de Miliana, soit quelque 1800 personnes, ont participé à l’époque à l’extraction de 8000 tonnes de minerai, notamment dans la mine de Rouina, qui était destiné à M.Eifel. Transformé en fer «puddlé», ce minerai à faible teneur de carbone rendait le fer moins sujet à la corrosion comme du reste le prouve le monument de la tour Eifel.

L’occupation de Miliana, qui survint un certain 08 juin 1840 par les troupes françaises coloniales, conduites par le maréchal de triste renommée Valée, fut suivie en 1895 de la visite de l’empereur français Napoléon III. La manufacture abandonnée devint après 1845, un «moulin à farine» avant sa restauration qui la porta sous les feux de la rampe lors du «mois du Patrimoine» qui s’est déroulé en Algérie du 18 avril au 18 mai 2018.

Ainsi, cette ville superbe a continué à rayonner sur l’Algérie en enfantant des héros de la révolution de Novembre 1954 dont Amar El Kama, connu sous le surnom de Ali la Pointe en référence à son quartier de naissance la «Pointe des Blagueurs», une esplanade située à l’extrémité sud de la ville des Cerises. Cette place offre une vue imprenable sur la vallée du Cheliff, avec en contrebas le quartier des Annassers et ses vergers plantés d’arbres fruitiers, notamment des cerisiers, bien sûr.

La visite de Miliana ne saurait être complète sans un intéressant regard sur le mausolée de la zaouïa Sid Ali Benyoucef, le saint patron de la ville, où est enterré le khalife de l’Emir Abdelkader. Cette prompte visite a donné lieu à des retrouvailles chaleureuses et combien émouvantes entre les Milianis restés en ville et ceux qui se sont déplacés vers d’autres contrées en Algérie ou plus loin ailleurs.

Saurions-nous également ignorer que la «zorna» si appréciée par les Algérois et autres férus de la musique traditionnelle, notamment des villes côtières, est originaire de cette région (Aïn Defla) où les airs du «châabi» furent tant chantés par le regretté Deghrar Djilalli ou plus récemment encore par Sofiane alias «p’tit Zahi». Il faut savoir aussi que Mohamed Bouras, fondateur du premier groupe des Scouts Musulmans Algériens (SMA), «El Fallah», en 1935 à Alger, est né en 1908 à Miliana.

Tout compte fait, à Miliana, il n’y a pas que des cerises…

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