INFOGRAPHIE – Ce monde rocheux en orbite autour de notre plus proche voisine, Proxima du Centaure, se situe dans une zone compatible avec l’existence d’eau liquide.
Les amateurs de science-fiction n’y croyaient plus: une planète tourne bel et bien autour de l’étoile la plus proche de nous, Proxima du Centaure. Ce qui en fait de facto la plus proche exoplanète de la Terre et donc la meilleure candidate à une putative mission d’exploration extrasolaire. Mieux, celle-ci est vraisemblablement rocheuse et située dans la zone «habitable» de son étoile, c’est-à-dire à une distance compatible avec l’existence d’eau liquide à sa surface, annonce aujourd’hui une équipe internationale dans la revue Nature. La prudence reste de mise. Cela ne veut pas dire que l’eau ruisselle à sa surface, encore moins que des petits hommes verts y pataugent allègrement. Rappelons que Vénus comme Mars, au même titre que la Lune d’ailleurs, sont elles aussi situées dans la zone «habitable» autour de notre Soleil. Elles n’abritent pourtant ni rivières ni océans. Quant à la vie sous quelque forme que ce soit…
Mais il n’est pas interdit de rêver un peu et il pourrait en être tout autrement sur Proxima Centauri b – le petit nom de notre nouvelle voisine. «Il est impossible d’apporter une réponse formelle à cette question pour le moment», explique Franck Selsis, responsable de l’équipe [exo]Terres au laboratoire d’astrophysique de Bordeaux. Dans plusieurs papiers annexes en cours de publication, les chercheurs du monde entier ont commencé à formuler des hypothèses sur le paysage possible à la surface de la nouvelle venue.
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«Pas une jumelle de la Terre»
Il faut en effet se contenter de conjectures. À ce jour, tout est imaginable: elle pourrait aussi bien abriter de gigantesques océans qu’être totalement dénuée d’atmosphère. Être entièrement gelée ou chaude comme une étuve. Bien qu’elle soit au plus près de nous sur le plan astronomique, Proxima Centauri b reste située à un peu plus de quatre années-lumière, soit un peu moins de 40.000 milliards de kilomètres. Elle n’a été détectée que par l’influence gravitationnelle qu’elle exerçait sur son étoile, une naine rouge près de dix fois moins massive que notre Soleil et 1000 fois moins lumineuse. «Lorsqu’une planète tourne autour de son étoile, elle fait osciller très légèrement cette dernière d’avant en arrière, ce qui modifie sa couleur par effet Doppler», explique Julien Morin, chercheur au laboratoire univers et particules de Montpellier, coauteur de la découverte.
Ce sont ces changements très ténus du rouge de Proxima du Centaure qui ont trahi la présence de la petite planète après plus de deux mois d’observations quotidiennes début 2016 avec le télescope de la Silla (3,6 mètres de diamètre), situé au Chili et propriété de l’Observatoire austral européen (ESO). «Si elle n’avait pas été détectée précédemment en dépit de sa proximité, c’est que Proxima du Centaure, comme de nombreuses naines rouges, est une étoile très active qui peut produire ces changements de couleurs “naturellement”, détaille Julien Morin. Il n’a pas été facile de s’assurer que ce n’était pas le cas.»
Si vous aviez les pieds à la surface de la planète, vous verriez un soleil rouge près de trois fois plus gros que le nôtre, accompagné de deux autres petits soleils
Cette méthode de détection ne permet pas de connaître le rayon de la planète mais seulement une masse minimale. En l’occurrence 1,3 fois celle de la Terre. La planète pourrait aussi peser jusqu’à plusieurs masses terrestres. En dépit de cette incertitude, elle reste vraisemblablement rocheuse. Proxima Centauri b se situe en outre 20 fois plus près de son étoile que la Terre du Soleil. Si vous aviez les pieds à sa surface, vous verriez un soleil rouge près de trois fois plus gros que le nôtre, accompagné de deux autres petits soleils, les étoiles Alpha Centauri a et b qui accompagnent notre plus proche voisine. La planète doit aussi subir des forces de marées (provoquées par l’attraction gravitationnelle de son étoile) considérables. Il est aussi probable qu’elle soit pour cette raison «forcée» de présenter toujours sa même face à son étoile (de la même façon que la Lune présente à la Terre toujours le même côté). Cela induirait des contraintes très particulières sur son éventuelle atmosphère.
«Proxima Centauri b ne sera pas une jumelle de la Terre, prévient Franck Selsis. Son soleil aussi est très différent. Il émet beaucoup plus de rayons X et UV extrêmes.» Toute la question étant de savoir si ces rayonnements et le vent de particules très intenses émis par la naine rouge ont oui ou non intégralement soufflé son atmosphère. «Si c’est le cas, la différence de température entre la face éclairée et la face sombre sera peut-être suffisamment grande pour que le futur télescope spatial américain JWST la détecte», estime Martin Turbet, chercheur au Laboratoire de météorologie dynamique, à Paris.
Dans le cas, plus favorable à la présence d’eau liquide, où la planète aurait encore une atmosphère, il faudra attendre l’ E-ELT (European Extremely Large Telescope) en cours de construction au Chili, pour l’étudier. Prévu pour 2024, ce mastodonte de 39 mètres sera le seul capable de distinguer la petite planète dans la lumière de son étoile. Il devrait alors être possible de détecter son éventuelle atmosphère et d’en déterminer la composition. Avec cet espoir un peu fou: qu’on y trouve les traces de la première vie extraterrestre.
Si vous partez maintenant, vous arriverez en 21 016…
Par Cyrille Vanlerberghe
Proxima du Centaure a beau être l’étoile la plus proche du Soleil, à 4,2 années-lumière, la planète potentiellement habitable qui gravite autour n’en reste pas moins inaccessible. Pour avoir un ordre de grandeur des distances colossales en jeu, il faudrait 19.000 ans pour arriver à destination avec l’objet le plus rapide jamais envoyé par une fusée, la sonde Helios 2 de la Nasa, qui a atteint une vitesse de 240.000 km/h. Il faut donc aller plus vite.
Avec une propulsion nucléaire, à l’étude depuis des décennies pour raccourcir le voyage vers Mars, le voyage vers Proxima ne durerait «que » 1000 ans. Encore trop long? Il faut alors se tourner vers des technologies encore plus futuristes, proches de la science-fiction. La fusion thermonucléaire, que l’on cherche à domestiquer pour le réacteur Iter dans le sud de la France, pourrait en théorie permettre d’atteindre 12 % de la vitesse de la lumière. Le voyage vers Proxima durerait alors 36 années.
Le milliardaire russe Yuri Milner croit en revanche qu’il sera possible d’envoyer dès 2035 une minuscule sonde automatique (masse : 1 g) vers Proxima en la propulsant avec un tir de laser extrêmement puissant. À 20 % de la vitesse de la lumière, le voyage ne prendrait que 20 ans. Mais l’accélération colossale au départ rend la technologie inenvisageable pour un vol habité.