Il va de soi que la feuille de route du Premier ministre Abdelmalek Sellal a pour clair résultat de faire l’unanimité contre elle. D’autant que le gouvernement actuel n’a, paraît-il, ni l’audace ni même d’ailleurs la capacité d’aborder avec délicatesse et surtout sans faux-semblants la question de la transition politique.
Ce qui est encore plus déconcertant, c’est que tout est fait en sorte qu’on esquive de parler de la santé du président Bouteflika, des enjeux économiques cruciaux freinés par ce mantra d’austérité que d’aucuns se font, du reste, un plaisir de lâcher à bout portant à chaque occasion ou, même également, des dangers qui guettent la patrie pendant cette période charnière de troubles régionaux (la menace terroriste aux frontières, les défis énergétiques hors les hydrocarbures, la sécurité alimentaire, etc.).
Mais pourquoi cette fuite en avant alors que, désarmé par le désespoir, le peuple attend toujours quelque chose qui puisse le rassurer ? Outre le fait que le mutisme des cercles proches du pouvoir sur ce sujet-là est insidieux, il entretient encore davantage le sentiment d’incertitude qui accable déjà notre société. Dos au mur parce que placé en plein carrefour entre dilemme économique, impasse politique et colère populaire, le gouvernement de Sellal pédale à peine, le souffle coupé et l’allure molle sur un itinéraire aux contours imprécis ! Autrement dit, il n’a aucune vision synthétique sur le devenir du programme quinquennal de Bouteflika, refusant crânement, qui plus est, de s’offrir une cure de jouvence quant à des procédés de gestion démodés, datant d’au moins les années 1970.
Le tour de vis imposé récemment aux médias et aux chaînes privées en dit long sur son état d’esprit angoissé. La parole libre dérange au plus haut point parce qu’elle est susceptible de réveiller les vieux démons de ces foules désabusées, lesquelles se sentent déjà outragées par cette élite nombriliste aux commandes qui les snobe. Mais n’est-ce pas de la myopie et du raidissement de perspicacité que de tenter de bâillonner la presse et d’établir la loi de l’omerta là où le débat devrait normalement s’ouvrir ? Le pays sera obligé de percer la bulle suffocante qui l’isole du monde, oublier la censure et réparer au plus vite cette panne communicationnelle pour ne pas être une proie facile aux cafouillages et aux rumeurs de toutes sortes. Cela est d’autant plus indispensable aujourd’hui que la société vit cette privation-là comme une mutilation et même un retour à la case zéro de la démocratie.
En un mot, la conjoncture n’est pas du tout propice aux surenchères et au bâton de la répression. On dirait que, ne comprenant presque rien à la marche «progressiste» des sociétés modernes, nos responsables veulent encore nous traîner dans le cercle traditionnel du bouche-à-oreille, terreau fertile de la cacophonie, du flou, des magouilles… Or, par les temps qui courent, les moyens de communication sophistiqués (l’internet, les réseaux sociaux, la technologie de pointe, etc.) ont fait en sorte que l’information soit démocratisée, popularisée et surtout globalisée à la vitesse du météore. Ce qui devrait les inciter à plus d’ouverture.