Usine de trituration des graines oléagineuses de Cevital: Le coût exorbitant du blocage

Usine de trituration des graines oléagineuses de Cevital: Le coût exorbitant du blocage

Les 505 jours de blocage dont a fait l’objet, jusqu’ici, l’usine de trituration des graines oléagineuses appartenant au groupe Cevital engendreraient une perte sèche chiffrée à des centaines de milliers de dollars.

Une perte abyssale : c’est le moins que l’on puisse dire au sujet des coûts générés par le blocage du projet de trituration des graines oléagineuses de Cevital. Après plus de 500 jours de blocage, les conséquences financières d’un tel “acte de piraterie” — pour reprendre les propos de l’avocat d’affaires, Nasr-Eddine Lezzar — se chiffrent à plusieurs dizaines de milliers de dollars, voire à des centaines de milliers de dollars. “Dans cette situation, il peut, probablement, exister trois types de contraintes engageant des coûts supplémentaires qui sont à la fois directs et indirects, proliférés par un blocage constaté lors d’une phase prépondérante dans un processus de création et de lancement d’un projet d’investissement”, estime Souhil Meddah, analyste financier et directeur général de RMG Consulting. Les 505 jours de blocage, dont l’impact sur l’image du pays n’est plus à démontrer, auront ainsi coûté au groupe Cevital une vraie fortune. L’ordre de grandeur de ce coût varie, selon Souhil Meddah, en fonction de la durée de détention des containers, mais aussi en fonction du volume de la marchandise. D’après le responsable du cabinet RMG Consulting, “la première contrainte concerne l’incorporation des coûts directs de surestaries qui sont à la charge de l’investisseur pour le compte de l’armateur, dans le cadre d’un dépôt en port ou en port sec”. Cette valeur, qui est calculée progressivement en fonction de la durée de la détention des containers, peut augmenter à partir de la deuxième quinzaine de détention chez cet armateur dans des lieux de conservation qui sont sous son contrôle, explique Souhil Meddah, contacté par Liberté. Plus explicite, il souligne que la nomenclature de facturation peut évoluer de 21 dollars la nuit par container jusqu’à 75, voire 100 dollars. Petite arithmétique : “Si on prend une moyenne de 40 dollars la nuit, avec un plafonnement à 100 jours sur la durée de facturation, le coût pourra facilement atteindre les 4 000 à 4 200 dollars sur cette durée avec une possibilité d’arrêter le compteur de tarification à ce niveau-là.” Cette perte, si elle était multipliée par les 505 jours de blocage plutôt que par 100 jours, générerait un coût global de plus de 21 000 dollars pour un seul container.

Les 16 containers dans lesquels se trouvent les équipements de Cevital repris et maintenus au port de Skikda généreraient, en revanche, un coût total en surestaries de plus de 336 000 dollars. Outre les surestaries, le groupe Cevital fait face à d’autres coûts, dont les frais de gardiennage qui sont, en revanche, comptés durant la durée de détention de la marchandise sans qu’aucune possibilité de plafonnement soit possible. “Au final, l’investisseur se trouvera dans l’obligation de payer les frais de gardiennage selon les modalités appliquées par la structure chargée de cette mission”, précise notre interlocuteur. Le compteur à coûts ne s’arrête pas à ce niveau de pertes. Souhil Meddah fait remarquer à ce propos que des frais supplémentaires dits d’approche sur surestaries coûteront probablement la moyenne de 4 000 à 4 100 dollars par conteneur, versés en dinars à hauteur de 480 000 à 500 000 DA par l’investisseur au profit de l’infrastructure portuaire qui, à son tour, procédera à un transfert en dollars au bénéfice de l’armateur.

Un blocage en passe de battre tous les records

“Dans tous les cas de figure, même la structure chargée d’assurer la détention des équipements sera indirectement pénalisée du fait que les équipements ont dépassé leur délai critique d’immobilisation”, souligne le responsable de RMG Consulting. Selon lui, indépendamment des responsables du blocage dont souffre l’équipement industriel de Cevital, le groupe sera probablement tenu de payer les frais supplémentaires d’approche sur surestaries étant donné qu’il est le seul responsable de la marchandise. C’est-à-dire qu’aucune assise juridique ne prévoit une exemption des coûts si l’investisseur n’est pas responsable du blocage de sa marchandise. À cela s’ajoutent d’autres contraintes liées à l’investissement, à la nature de l’investissement et aux délais de réalisation.

“Si l’investissement bénéficie des avantages liés au régime général Andi ou CNI, le délai de réalisation sera doublement pénalisé par un écart physique ou réel par rapport au planning de réalisation, mais aussi par rapport au respect du processus de réalisation et de démarrage de l’unité qui basculera vers une autre forme d’avantages à l’exploitation une fois la production lancée”, explique Souhil Meddah, précisant que ce processus administratif est habituellement limité dans le temps avec une possibilité de deux prolongations de 12 mois pour pouvoir ensuite approuver un constat d’entrée partielle ou totale en exploitation de l’usine concernée. Pour ainsi dire, alors que le blocage de l’investissement de Cevital est en passe de battre tous les records de longévité, son impact sur le projet va bien au-delà des pertes générées par les surestaries et les coûts intermédiaires. Le projet risque de perdre les avantages à l’investissement accordés par l’Andi et le Conseil national d’investissement, ce qui engendrerait des coûts supplémentaires tant en phase de réalisation qu’en phase de production. Cela amènerait probablement la direction à réviser ses projections sur le coût du projet. Quoi qu’il en soit, le coût, notamment celui du matériel importé, coûterait quatre fois plus cher que l’usine importée par le concurrent de Cevital qui serait à l’origine directe du blocage dont il fait objet, alors qu’au départ, c’est l’usine de Cevital qui devait revenir beaucoup moins cher, bien que dotée d’équipements plus performants. Troisième contrainte, par ailleurs, recensée par Souhil Meddah : “Si ce projet d’investissement s’inscrit dans une filière qui nécessite un comblement d’apport en matière de produits intermédiaires semi-finis, en complémentant les efforts avec d’autres investisseurs, la notion oligopolistique souhaitée sera partiellement sanctionnée par une absence temporaire de l’un des acteurs, ce qui provoquera probablement une demande supplémentaire compensée par une offre de matière venue de l’étranger.” Pour ainsi dire, les 505 jours de blocage de l’usine Cevital pourraient coûter très cher à l’investisseur. Et sans compter l’impact sur la collectivité, puisqu’une partie des coûts que devront verser les autorités portuaires à l’armateur doit être convertie en dollars. Les effets indirects sur l’image du pays ne sont plus à démontrer.

Ali Titouche