Des personnalités nationales croient que le président de la République ne gouverne plus. D’autres le font à sa place et à son insu. Hallucinant.
C’est du sérieux : il y a usurpation de la plus haute fonction en Algérie. Car c’est de bien de cela qu’il s’agit estiment 19 personnalités du pays qui s’adressent à la « victime » pour vérifier les soupçons d’accusations, diffusées dans le pays, depuis cette nuit du 27 avril 2013 où elle fût évacuée en France, suite à un « accident ischémique transitoire », sans gravité, disait le communiqué de l’APS. Il aura fallu, donc, près de 3 années à des « personnalités algériennes » pour se douter que l’accident du président, une sorte d’AVC, est « peut-être » grave et le handicape, sérieusement, au point où il ne sait même pas l’état du pays et, plus dramatique, que des personnages obscurs de son proche entourage écrivent, parlent et décident à sa place sans qu’il n’en sache rien de rien. Et c’est cela la raison, croient les initiateurs de cette demande d’audience, qui plonge le pays dans cette déliquescence qui risque de le mener à la catastrophe. Ubuesque et c’est le cas de le dire, tant l’appel des signataires est solennel, grave et inquiétant.
Le palais présidentiel serait squatté par une poignée de proches du président, au sens professionnel et au sens familial, qui gèrent, décident, manipulent tout le pays et son peuple pour le mener vers le désastre. Ainsi, l’explication de l’échec du modèle de société prôné par le Président Bouteflika, échappe aux approches et analyses politiques et économiques, pour être réduit à l’action d’une poignée d’hommes, aux intentions les plus perverses, pour ce pays. Est-ce le défaut nombriliste du microcosme politique algérois qui les limite à cette approche « ciblée » ou est-ce, pourquoi pas, une autre obédience ou loge de politiques qui détient quelques informations capitales sur un imminent changement du jeu de rôle, au sein du pouvoir et qui veut avancer ses pions, se placer dans la recomposition des centres décisionnels futurs à attribuer ? Faisant fi de celles et ceux, dans cette première liste de 19 personnes qui ont cheminé aux côtés de Bouteflika, depuis 1999, et accordons leurs la présomption d’innocence : ils ne savaient pas que c’était aussi grave jusqu’à aujourd’hui. Et maintenant que va-t-il se passer. Soit le président les reçoit et les rassurent sur son état de santé et sa lucidité, soit il ne les reçoit pas. Dans les deux cas, quelle sera leur réaction et décision ? Parce que dans les deux cas, le pays ne deviendra pas, soudain, du jour au lendemain, un pays dynamique, compétent, productif, heureux. Seul un acteur principal est à même de secouer et redynamiser l’Algérie. C’est son peuple. C’est à lui, au peuple de décider ou non de se sauver des périls qui le guettent. Et tous les théoriciens, politologues, philosophes, depuis l’antiquité à nos jours, le disent et l’expliquent : ce sont, toujours, une élite ou partis politiques qui canalisent la demande populaire et la mobilise pour le choix du changement, soit par la voie pacifique (élections), soit par la voie violente (révolution). Le changement ne vient jamais du pouvoir, du sommet de la pyramide. Pourquoi voulez-vous que le détenteur du pouvoir le lâche ? Du coup, un long travail d’explication et de mobilisation des Algériens est plus approprié pour espérer le changement positif qu’une simple audience de palais. C’est ce que font des partis politiques de l’opposition, des intellectuels à leur niveau, des associations civiles de défense des libertés, etc. C’est ce large mouvement, dans et au sein de la société qui, hélas peine à s’unifier sur un cap bien défini, pour l’Algérie, qui mènera le pays vers la modernité ou le plongera, encore une fois, dans les abîmes de l’obscurantisme et de la régression.
La bataille pour la victoire d’une Algérie sereine, résolument démocratique et heureuse, se joue dans le peuple, dans toute l’Algérie. Et ce n’est pas une mission aisée. Elle exige de la lucidité, de la compétence et surtout de la conviction sans faille. Aller sur le terrain à la rencontre des gens, expliquer, dire, prendre des risques, suer, pour espérer, peut-être, quelques victoires sur la fatalité et le sous-développement.
Décider au bout d’un débat entre amis, à Alger, de changer le cap de l’Algérie, avec un entretien éventuel avec le chef de l’Etat est, sinon incompréhensible, au plus naïf. Enfin, pourquoi les 19 noms ne sont pas rendus publics dans le premier communiqué, excepté ceux de Louisa Hanoun et Khalida Toumi ? Deux femmes, comme par hasard, supportrices du Président Bouteflika. Ce n’est pas demain la veille qu’on effacera du jargon politique national l’expression si galvaudée de « lutte de clans, cabinet noir au sommet du pouvoir ».