Malgré son enclavement dans les fins fonds du massif forestier de la Petite Kabylie, Collo arrive toujours à séduire et à enchanter ses visiteurs. L’accueil du visiteur de Collo commence 10 km avant d’atteindre sa destination.
Il est invité à observer une halte à Kerkera, appelée El-Achra par rapport au nombre de kilomètres qui la séparent de Collo.
Chef-lieu de commune, elle est devenue, avec le temps, un carrefour de rencontres de la tribu des Béni M’henna. Ici, le travail de la terre est une affaire de femme. Avant la levée du jour, des processions de femmes, tatouages sur le front et robes aux couleurs vives, arpentent les sentiers menant vers les champs. À pied ou sur des pousse-pousse. À partir du village, le visiteur peut prendre une bifurcation et, en moins de 10 mn, il traversera le lieudit Hadjria pour se retrouver à la plage de Benzouit. Cette grande plage se prolonge à l’ouest par une succession de petits jardins irrigués depuis oued El-Guebli qui les traverse et à l’est par des collines jonchées de vestiges romaines. Benzouit abrite, aussi, le mausolée d’un saint que les Béni M’henna vénèrent toujours.
À mi-chemin entre Kekera et Collo se trouve la plage de Téleza, appelée El-Djoune. Elle se prolonge à l’Est, sur une étendue de 7 km, par la baie de la fontaine des sangliers appelée, aussi, Aïn Lakssab. Ici, l’agriculture et le tourisme se côtoient au nez d’un béton de plus en plus envahissant.
Trois kilomètres après, après une petite corniche, la presqu’île de Collo se dévoile au visiteur. Une cité plongée, au trois-quart de sa superficie, dans la Méditerranée. Aux portes de la ville, une stèle représentant un voilier, le port de pêche, la mosquée djamaâ El-Kebir et l’église Saint-André annoncent le sommaire d’un voyage dans l’histoire d’une ville, d’un pays, d’une accumulation de civilisations.
Il faut dire que les écrits sur la région de Collo remontent à 530 avant J.-C. Elle fut comptoir phénicien avant de passer sous domination romaine. Elle formait avec Milev, Rusicade et Cirta la confédération cirtéenne.
Collo est une ville pieds dans l’eau. Étendue sur près de 2 km linéaires, la baie des Jeunes-Filles, Aïn Doula, comme aiment toujours l’appeler les Colliotes, est bordée à l’est par les criques de Bir Lefkarene et à l’ouest par une source d’eau qu’on dit bénite.
Selon la légende, un terrain au pied du mont de Dambo était la propriété d’une famille mixte berbèro-turque, les Becit. Lalla Doula, héritière unique, décida de rendre du domaine public la source.
Cette plage à laquelle l’écrivaine, Fatiha Nesrine, a dédié son roman La baie aux jeunes filles, et qui a fasciné Anna Greki, est un livre de mythes et de légendes.
Selon le défunt, aâmi Mohammed Sassane, lui-même une légende sportive de son temps, un Cyclope vivait à Collo. El-Ghoula faisait la vaisselle à Aïn Doula en s’agenouillant, un pied posé sur la presqu’île d’El-Djarda, un autre sur le mont de Dambo.
Collo a aussi sa légende berbère à travers les récits de Hmimess. Ici, les Colliotes apprennent, dès leur enfance, que dans leur cité a vécu un homme généreux, éveillé et intelligent qui passa sa vie à déjouer les sordides plans d’El-Ghoula, le cyclope.
Les légendes arabes sont aussi présentes à travers les récits des djins. Selon cette légende, chaque jour de souk hebdomadaire, 7 djins quittaient leurs refuges pour descendre au marché, situé à l’époque à l’entrée du vieux village de Bir El-Kaïd, pour faire leurs courses. Ils étaient reconnaissables par les poils qui poussaient sur la paume de leurs mains.
La zerda, le malouf et la tariqa
Jusqu’à un passé récent, chaque année, au mois de septembre, se tenait à Collo la grande zerda de Sidi-Achour, le saint protecteur de la cité et dont le mausolée jonchait sur les collines du douar qui porte son nom. La veille, c’est en procession que les femmes de la tribu des Achach montaient à Aïn Zida, village situé au pied du mont, pour passer la nuit à préparer le couscous de la zerda.
Au même moment, les hommes arpentaient les 360 marches pour atteindre le mausolée et y veiller en récitant versets coraniques et poèmes mystiques. Le jour J, les bêtes étaient sacrifiées et la viande partagée entre les membres de la tribu et Ahbab Sidi-Achour. La musique et la chanson ont toujours été une affaire de famille. Déjà durant les années 1940-1950, la troupe du malouf Bahdjet Ezzamane était organisée autour deux familles, Tabti et Gatti. Même Mimi Baâziz, la star du malouf féminin, octogénaire installée dans la ville de Skikda, fait partie de cette fratrie.
Plus tard, dans les années 1960-1980, c’est la famille Zeroual qui prendra la relève avec les frères Saïd et Hafid Saïd Tabti, lui perpétua l’œuvre de sa famille à partir des années 1970. Et, comme pour rompre avec ce cheminement linéaire, les années 1980 seront marquées par l’apparition de la troupe moderne Chullu. Petite ville, Collo reste grande par l’héritage du savoir. À ce jour, trois confréries existent toujours. Celle des Aissawa installée au centre de la ville dans la zaouïa de Sidi-Ameur, celle des Ammaria installée dans la presqu’île d’El-Djarda et celle des Ikhouane qui fut installée à même le mausolée de Sidi-Achour.
À Collo, les estivants trouvent tous les ingrédients pour passer de somptueuses vacances. ©D. R.
Souk El-Khmiss et la saga africaine d’El-Khadra
Le marché hebdomadaire de Collo se tient le jeudi. Les Colliotes ont pris l’habitude de faire une partie de leurs courses sur ce marché qui s’étale sur plus de 3 km linéaires. Au même moment, il y a juste quelques années, à la placette de la ville, le duo Bourkayeb et Aïssa racontaient les histoires de sidna Youcef (Joseph) et sidna Ibrahim (Abraham). Les deux troubadours non voyants tenaient une halqa et jouaient du violon et du bendir. L’été, en plus du marché, une kermesse, appelée El-Gagna, se tenait à la même place publique, sahat Echouhada. Des activités ludiques et une loterie étaient proposées au public. De nos jours, les foires commerciales ont remplacé El-Gagna créant de l’animation dans la ville. Avec souk El-Khmiss, ils sont des curiosités pour les visiteurs et des événements majeurs adoptés par la population locale car ils lui permettent de s’approvisionner avec de bons prix. Mieux, une grande partie des commerces locaux s’y approvisionnent. Collo est une ville de sport par excellence. Le club de foot local drivé par le duo Azzou et Bouzid a même disputé la Coupe d’Afrique dans les années 1980. Les équipes locales de cyclisme, de judo, de handball et de volley-ball avaient donné à l’Algérie plusieurs internationaux. À un moment donné, El-Khadra fut la seule équipe du Nord-Constantinois à évoluer en division une de foot. Aujourd’hui, le stade Saouli-Bachir, pied dans la plage la baie des Jeunes-Filles, reçoit, en été, d’interminables parties de foot entre estivants.
La fascination du pêcheur et les traditions culinaires
Collo est un port de pêche. La sardine locale est un label de fait qui s’est imposé dans l’imaginaire collectif des consommateurs. Le marin pêcheur colliote et son métier font rêver les visiteurs de la cité pré-insulaire. Pour Raïs Berdjem, la mise en tourisme de la pêche rentabilise et la pêche et l’activité touristique locales. Vivre l’espace d’une nuit l’expérience d’un pêcheur sur sa barque est un plus qui peut faire la différence pour une destination. En fait, ici, le métier de pêcheur a toujours fasciné. À l’inverse des autres régions du pays, ici, le couscous, même au mérou, reste un plat des jours ordinaires. Ici, c’est la mkartfa, connue sous l’appellation de la trida à Constantine, qui est l’ambassadrice de l’art culinaire local. Chez les anciennes familles, c’est carrément la gritllia, sorte de vermicelles faites maison et préparées comme la mkartfa, qui est servie comme plat principal aux convives de marque. Le dessert peut bien être un bourekak au miel, appelé ailleurs mechelouach.
Mais, le must reste certaines traditions locales qui existent toujours comme ces petites gargotes, Hmamssia, qui servent entre 4h et 8h du matin des plats de pois-chiches ou encore le petit-déjeuner à la sardine grillée ou en friture. On visite Collo pour ses plages, criques et baies mais surtout pour la charge culturelle de la destination.