Les séries de robes traditionnelles de toutes les couleurs et styles, accrochées à de longues barres transversales, flottent au moindre souffle de brise exhalé par la forêt. Les ustensiles de cuisine de différents gabarits et formes tapissent, suivant un ordre de rangement millimétré, une bonne portion des devantures
La vente de produits artisanaux a connu ces dernières années un boom. Il n’existe plus un endroit touristique ou une destination prisée par les vacanciers, et ce à travers toutes les wilayas du pays, où l’on ne rencontre pas des rangées entières de tables bien achalandées de toutes sortes d’articles et d’habits traditionnels qui mettent en évidence l’une des facettes du riche patrimoine matériel national. La provenance de ces produits, la réglementation de cette filière et la contribution de ce créneau, en pleine croissance, dans l’économie nationale sont autant de sujets ayant déjà fait couler beaucoup d’encre et ont servi, et servent toujours, de matière à réflexion et d’analyses aux économistes. Ce qui est sûr et ce qui est quotidiennement constaté, c’est la demande grandissante exprimée pour les dizaines de gammes de produits traditionnels. Des plus minuscules ustensiles aux immenses jarres en terre cuite, en passant par les bijoux, les effets vestimentaires cousus à l’ancienne et les articles de souvenirs, tout est objet de négoce. « Le créneau des produits artisanaux et l’artisanat en général ont connu un second souffle après les évènements de la tragédie nationale, lorsque les familles et les Algériens en général ont repris en masse les chemins des vacances, s’aventurant même dans des sites, à fort potentiel touristique, restés des années durant des no man’s land », explique Mohand Saïd, de la commune d’Akerrou, située non loin de Yakourène, l’engouement pour ce genre de produits. Selon lui, et même par définition, le tourisme et l’artisanat sont deux créneaux intimement liés. L’un se nourrit de l’autre et les activités de l’un servent de substrat pour la relance de l’autre.
La forêt agrémente les points de vente
Sur une importante section de la route reliant Azazga à Yakourène, une immense exposition de produits artisanaux se prolonge des deux côtés de l’asphalte sur des centaines de mètres, laissant juste une bande servant d’accotement où stationnent à longueur de journée des dizaines de véhicules. Le climat frais et accueillant, même en été, des lieux, parcourus par une forêt généreuse de toutes parts, semble être un atout qui joue en faveur des vendeurs. Ici, les clients ne se font pas désirer. Les centaines de baraques servant de lieu d’exposition, soutenus généralement par des poteaux en bois et murées des côtés par un voile de roseaux, sont, littéralement et à toute heure de la journée, envahies par les familles. Les gammes de produits qui y sont proposées sont à quelques détails près les mêmes partout. Les séries de robes traditionnelles de toutes les couleurs et styles, accrochées à de longues barres transversales, flottent au moindre souffle de brise exhalé par la forêt. Les ustensiles de cuisine de différents gabarits et formes tapissent, suivant un ordre de rangement millimétré, une bonne portion des devantures, laissant entrevoir de la route une riche collection d’articles, soigneusement disposés à l’intérieur. Le patron ou bien les employés des lieux s’arment souvent de chasse-poussière pour traquer la moindre saleté pouvant éventuellement repousser les clients. On y trouve aussi des produits de décoration et de différentes utilités qui font fureur parmi les visiteurs.
« J’ai acheté un cadre représentant des bijoux kabyles et deux robes d’été pour mes filles. Certes, c’est un peu cher, mais les prix sont presque identiques chez tous les vendeurs. J’ai dû faire au moins dix boutiques pour choisir les produits qui me conviennent », confie une dame d’Alger, dont la copine lui assure qu’une robe pareille est cédée dans un des marchés populaires à Alger à 1.000 DA. « Pour 4000 DA, je pouvais me payer quatre robes au lieu des deux que tu as achetées », lui fait-elle remarquer. En revanche, un autre client semble flairer une bonne affaire. « Avec seulement 2.400 DA, j’ai acheté deux barils cylindriques en bois pouvant contenir chacun 50 kg. J’ai vu ces modèles chez un épicier. Ils vont me servir à ranger les produits de ravitaillement », annonce tout content un père de famille, dont les enfants ont flashé sur les carabines factices presque grandeur nature. Les affaires ici semblent se conclure entre les vendeurs et les visiteurs de la forêt de Yakourène toutes les minutes. « Je suis vraiment épuisé. Il est très difficile de prendre en charge toutes les sollicitations des clients. Parfois, nous sommes obligés de déballer de nombreux objets pour ensuite les ranger un à un. C’est un exercice pénible qui, à la longue, vient à bout de vos forces », confie un vendeur dont les traces de la fatigue burinent le visage. En été comme en hiver, les produits artisanaux s’exposent et s’arrachent à Yakourène avec le même plaisir. « Au contraire de la côte où les gens ne se rendent d’ordinaire qu’en été ou alors au printemps, ici à Yakourène le tourisme se pratique à longueur d’année. Par implication, l’artisanat n’y peut que prospérer », remarque un vendeur.