Faisant suite à une pétition signée par 500 personnes, un rassemblement s’est tenu jeudi devant la Cinémathèque algérienne en protestation contre la nomination du nouveau directeur et pour la reconquête de ce précieux espace culturel.
Plus d’une vingtaine de personnes ont participé jeudi à un rassemblement devant la Cinémathèque algérienne pour exprimer leur rejet de la désignation controversée par le ministère de la Culture du nouveau directeur Salim Aggar. Journaliste et réalisateur, ce dernier est considéré par les 500 signataires d’une pétition rendue publique lundi dernier, comme une menace claire au temple de la liberté et du débat qu’est la cinémathèque. « Il n’y a aucun préjugé de notre part, il y a des faits : cet homme est en conflit ouvert avec une partie importante de la profession. Profitant pendant 20 ans ou plus d’une tribune médiatique et se cachant derrière quelques pseudonymes frileux, il a fait de son métier de ‘’critique’’ une couverture pour mener des campagnes de lynchage violentes et réactionnaires contre des cinéastes.», lit-on dans le texte signé entre autres par Sofia Djama, Adila Bendimerad, Damien Ounouri, Karim Moussaoui, Khaled Benaïssa, Malek Bensmaïl, Habiba Djahnine, etc.
Considérant cette nomination comme un énième affront au cinéma algérien, les signataires y ont vu également un déclic fédérateur pour dénoncer plus globalement les travers d’une gestion inadaptée du secteur, basée sur la censure, l’exclusion et la propagande. Le rassemblement qui a débuté à 15h a vu la participation d’une vingtaine de réalisateurs, comédiens et activistes culturels dont Adila Bendimerad (comédienne et scénariste), Damien Ounouri (cinéaste), Mustapha Benfodil (écrivain), Amina Menia (plasticienne), Sofia Djama (cinéaste), Karim Moussaoui (cinéaste), Kader Affak (militant associatif), Meryem Medjkane (comédienne), Kader Sadji (animateur du café littéraire de Béjaïa), etc.
Brandissant des pancartes où on peut lire entre autres «La Cinémathèque en danger», «Pas de censure à la tête de la Cinémathèque», «Libérez le cinéma algérien», les participants ont très vite attiré l’attention des passants à qui ils ont expliqué les motivations de leur sit-in. Des éléments de la police sont ensuite venus s’enquérir de la situation et, après de longues tractations, ont fini par enjoindre aux personnes présentes de quitter les lieux. Présent au rassemblement, l’écrivain et journaliste Mustapha Benfodil précise qu’il ne vise pas «la personne de Salim Aggar mais exprime un ras-le-bol général concernant l’état actuel de la culture en Algérie. Ces derniers temps, les scandales de censure, d’exclusion et de blocage se suivent à un rythme inédit. Il fallait réagir et occuper l’espace public afin de prendre l’opinion à témoin. Il fallait poser les bonnes questions : quel est exactement le rôle de l’Etat dans la gestion du cinéma ? En tant que citoyens, que pouvons-nous faire pour participer à cette gestion et empêcher les dérives autoritaires ? La nomination du nouveau directeur, au-delà de son aspect anecdotique, en dit long sur la vision de l’Etat et la persistance d’un système de copinage et d’allégeance à la tête de la culture. Il s’agit de fermer le cinéma algérien et le vider de toutes ses forces vives et ses voix libres. Je suis venu aujourd’hui avec mes deux filles car j’espère qu’elles pourront un jour retrouver dans cet espace un cinéma libre, vivant et affranchi du chapeautage étatique».
Une réunion s’est tenue après le rassemblement où il a été convenu de se retrouver prochainement avec le plus grand nombre de signataires afin d’élaborer une plateforme de revendications concernant notamment la gestion de la Cinémathèque et la révision de la loi Khalida Toumi sur le cinéma, entrée en vigueur en 2010. Il est également prévu de rédiger une série de propositions et d’alternatives afin d’entériner le principe d’une participation effective des professionnels à la gestion du secteur cinématographique.
Sarah Haidar