Des associations demandent la mise en examen pour complicité de génocide de deux officiers français, accusés d’avoir abandonné aux massacres des civils tutsis en juin 1994. Notre correspondant a recueilli les témoignages des rescapés.
Deux officiers de l’armée française, dont le chef de l’opération Turquoise au Rwanda en 1994, ont réfuté les accusations « invraisemblables » et « monstrueuses » de complicité de génocide portées par des associations parties civiles dans une enquête menée à Paris. La Fédération internationale et la Ligue des droits de l’Homme (FIDH et LDH), ainsi que l’association Survie ont demandé le 24 novembre leur mise en examen, les accusant d’avoir abandonné aux massacres des centaines de civils tutsis sur les collines de Bisesero, fin juin 1994.
« Nous pensions qu’ils allaient nous sauver »
Notre correspondant s’est rendu dans cette région de l’ouest du Rwanda, pour recueillir les témoignages des premiers concernés, les rescapés. Le 27 juin 1994, quelques jours après le début de l’opération Turquoise, l’intervention militaire française organisée pour mettre fin aux massacres, des soldats tricolores sont arrivés dans cette zone.
Ezequiel Ndayisaba, un rescapé du génocide, se souvient avoir pensé à l’époque que son calvaire allait s’achever avec la présence des « blancs ». « Je me cachais là en bas dans un trou lorsqu’on a entendu dire que les Français arrivaient. Nous sommes venus les rencontrer juste là à l’intersection », raconte-t-il à France 24. « Ils ont dit qu’ils venaient nous protéger et nous pensions qu’ils allaient nous sauver. On leur a montré des corps encore chauds de personnes qui venaient d’être tuées. Mais ensuite, ils nous ont dit de retourner dans nos cachettes et qu’ils reviendraient plus tard. On les a suppliés mais ils sont quand même partis ».
« Ils ont décidé de venir nous tuer nuit et jour »
La femme et les quatre enfants d’Ezequiel seront tués dès le lendemain. Un autre rescapé de Bisesero, Aphrodis Ntak, a lui aussi perdu toute sa famille au cours du génocide. « Un des tueurs accompagnait les Français et a raconté aux autres génocidaires que nous étions encore de nombreux survivants. Ensuite ils ont décidé de venir nous tuer nuit et jour », explique cet éleveur.
Les officiers français mis en cause devant la justice nient avoir eu connaissance de ces faits le jour même. Si tous les rescapés reconnaissent qu’ils ne seraient certainement pas là pour témoigner si les soldats français n’étaient pas revenus, ils pensent toutefois qu’un procès est justifié. « Nous n’avons pas eu la chance d’aller à l’école mais si je savais comment porter plainte je l’aurais fait depuis longtemps », estime ainsi Narcisse Gasimba, responsable local de l’association de rescapés.
Trois jours plus tard, lors du retour des militaires Français, moins de la moitié des survivants du 27 juin étaient encore en vie à Bisesero.