Toutes les huit minutes, un téléphone portable est volé dans les rues de Londres. Mais ce n’est qu’une première étape dans une chaîne de contrebande aussi discrète qu’efficace. Selon une enquête fouillée du journal britannique The Sunday Times, 80 % des smartphones dérobés dans la capitale britannique ne restent pas sur le territoire. La majorité d’entre eux aboutit à des milliers de kilomètres, notamment en Algérie, identifiée comme la principale destination de ces appareils volés.
À Londres, près de 70 000 téléphones ont été déclarés volés en 2023, représentant à eux seuls la majorité des cas recensés dans tout le Royaume-Uni. Cette criminalité, alimentée par des gangs organisés, génère un marché noir estimé à 50 millions de livres par an. Les vols (à l’arraché) s’opèrent en plein jour, souvent par des motards cagoulés ou de jeunes mineurs.
Mais c’est à des milliers de kilomètres, dans les quartiers populaires d’Alger comme Belfort, Bab El Oued ou El Harrach, que ces téléphones finissent leur course. Là, ils réapparaissent sur les étals informels, reconditionnés et proposés à des prix défiant ceux du marché officiel. Alimenté par une forte demande et un accès restreint aux produits Apple, ce trafic s’est enraciné dans les circuits de la débrouille locale, où se croisent revendeurs, passeurs et intermédiaires bien informés.
Trafic de téléphones entre Londres et Alger : l’Algérie, principal débouché d’un marché noir international
L’enquête de The Sunday Times va plus loin. Elle révèle que certains de ces réseaux sont gérés par des groupes organisés, parmi lesquels un gang algérien démantelé récemment. Ce dernier stockait des centaines de téléphones volés, emballés dans du papier aluminium, avant de les débloquer et les utiliser pour des fraudes bancaires. Le préjudice total aurait dépassé les cinq millions de livres sterling.
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Mais le plus frappant reste la destination finale. Selon la police britannique, 28 % des téléphones volés à Londres se reconnectent depuis l’Algérie. Loin devant la Chine (20 %), Hong Kong (7 %), les États-Unis (6 %) ou le Pakistan (3 %).
En effet, si ces téléphones trouvent aussi facilement preneurs en Algérie, c’est que le marché officiel y est limité. L’absence de revendeurs Apple, les taux de change peu favorables et les frais de douane élevés rendent l’acquisition de smartphones coûteuse. Résultat ? Une forte demande qui alimente un commerce parallèle lucratif, toléré de fait dans certaines zones grises de l’économie.
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Les experts interrogés estiment d’ailleurs que ce circuit ne repose pas uniquement sur des « cabas » individuels. Des cargaisons plus importantes transiteraient aussi par conteneurs maritimes. Dissimulées au sein d’autres marchandises, avec des complicités multiples tout au long du parcours.