Après, El Bandit, une reprise du répertoire de Hocine Boukella (Cheikh Sidi Bémol)», en 2016, Zaki Project, un joli concept musical de Zaki Mihoubi, propose, avec cette rentrée chaude, Bnat lyoum, une reprise d’une ancienne chanson du repertoire hawzi algérois. Il y a de la fraîcheur et du rythme. L’ambition de Zaki Projet? offrir, à chaque fois, un voyage musical à travers les sons châabi, maghrébin, méditerranéen et afro-gnawi. Il nous en parle…
L’Expression: Vous venez de sortir un nouveau clip, d’une nouvelle chanson Bnat El youm de Lili El Abassi. Pourquoi ce choix d’abord?
Zaki Mihoubi: La chanson a été écrite et composée en effet par Lili El Abassi et créée pour René Perez. Ils sont décédés tous les deux. Elle appartient au répertoire musical judéo-arabe. J’ai eu à demander l’autorisation au fils de Lili El Abassi, le grand Robert Castel. J’ai eu son numéro de téléphone via Safinaz Bousbia. Je lui ai adressé un courrier en lui disant que j’avais envie de reprendre ce morceau qui a été interprété par René Perez avec lequel elle avait beaucoup travaillé sur son projet El Gusto, avant sa mort. Je lui ai dit que je ne savais pas à qui je devais m’adresser car je ne savais pas à qui Ça appartenait. En même temps, la fille de René Perez que j’ai pu toucher sur facebook m’a dit qu’elle ne savait pas à qui la chanson appartenait. Elle m’a dit que même mon père disait que ce n’était pas la sienne. Donc je contacte Safinez. Elle m’apprend qu’effectivement René Perez a chanté cette chanson, mais ce n’est pas la sienne «c’est la chanson de Lili El Abassi, je vous envoie le numéro de son fils Robert Castel, Contactez-le». Je l’appelle et il m’accueille d’une manière extraordinaire. Au téléphone on a bien parlé. Il m’a dit «avec plaisir, vous pouvez la reprendre. il n’y a aucun souci». C’est comme ça qu’on a décidé d’enrober et d’habiller la chanson qu’on avait déjà préparée il y a quelques mois et grâce à la réalisatrice Dalia Antri le résultat est devant vous.
Pourquoi ce titre?
Ce titre je l’aime sans savoir pourquoi. On a des coups de coeur dans la vie, des chansons parfois très vieilles, qu’on n’arrive pas à oublier et qu’on fredonne à la maison. Je ne connais effectivement le répertoire de René Perez et des juifs algériens que depuis quelques années, une dizaine maximum. Donc le temps de m’imprégner, d’écouter, d’essayer de comprendre le style et de comprendre les différences qui existent entre les chansons à la fois sur le plan textuel et mélodique, j’ai eu envie d’interpréter un certain nombre de chansons du patrimoine. Parce que pour moi ce qui compte le plus, ce n’est pas de rendre hommage à X ou Y ou les affinités, non c’est juste le patrimoine algérien qui est très cher à mes yeux. Je me suis permis de prendre quelques perles pour les relooker comme on dit.
Ça n’a pas été difficile de choisir l’arrangement qui sied à notre époque pour actualiser justement ce morceau tout en respectant vos goûts musicaux? Parlez-nous du travail au studio d’enregistrement?
C’est très simple. Moi je ne suis musicien que depuis quelques années. Je ne me trouve pas encore en mesure de composer, de créer des choses, car je considère qu’il y a des gens mieux placés pour le faire. Ils sont nombreux les compositeurs et arrangeurs, notamment. Donc j’ai fait appel à un ami Kheireddine Mouadin. C’est lui qui a déjà arrangé avec moi le morceau El Bandit sur mon premier clip single. Je lui ai demandé cette fois d’innover encore un peu plus, c’est-à-dire créer une nouvelle dynamique à une reprise. Bnat El Youm c’est un rythme lent, un «bourdjila» comme on dit chez nous. Il m’a dit que cela n’allait pas intéresser les gens. Je lui ai dit: «Non! A la base la chanson est faite ainsi mais à toi arrangeur, créateur de nouvelles sensations musicales d’innover.» Je me souviens, il était en train de regarder mes photos sur facebook et il tombe sur une photo où je porte un chapeau avec des moustaches, je lui rappelais les tziganes qui évoluent un peu dans le cirque. Il m’a dit pourquoi ne pas opter pour quelque chose de burlesque? Je lui ai dit je ne sais pas, c’est à toi de concevoir cette nouvelle version. Moi je te suis». Donc il me dit:
«Laisse-moi faire.» Il place donc le clin d’oeil à Charlie Chaplin dans le film Les Temps modernes. Ça annonce tout de suite la couleur. C’est-à-dire, c’est un cirque de sonorités qui va commencer. Et c’est là où on essaye de reprendre ce vieux titre, mais à la sauce Zaki Project. C’est-à-dire, avec beaucoup de bonne humeur, de rythme entraînant.
Le clip est donc venu en amont compléter la vision de l’arrangeur?
Absolument. A partir du moment où la chanson était faite, on avait l’intention de donner à la réalisatrice un scénario de clip. Elle m’a demandé de lui faire écouter. Dès qu’elle a écouté l’intro elle me dit «alors on va s’amuser mon frère!». Elle est partie au Fespaco. Elle écoutait en boucle le morceau et essayait d’imaginer des images et à son retour elle me dit que «ma version est ennuyeuse, autant au départ elle commence avec beaucoup d’énergie, autant après, à un moment donné, elle devient monotone et elle s’essouffle. Pourquoi ne pas injecter du son gnawi dedans, avec un jeu de gumbri karkabou». Je lui ai demandé si elle en avait besoin pour l’image? elle m’a répondu «oui, mais pas que, essaye et dis moi.» J’ai essayé et j’ai trouvé l’idée géniale. Surtout que par la suite, elle a pensé à une séquence à un moment donné de la chanson où on a affaire à une petite piscine privée où on retrouve les amis musiciens et les danseuses qui passent un joli moment à écouter du gnawa et à danser aussi et à partir de là, la transe fait qu’on a envie de se baigner. C’est comme ça que les choses se sont faites.
Sinon, un album en préparation?
L’album je suis en train de travailler dessus. Petit à petit. Je n’ai pas de date de sortie à vous annoncer, mais j’aimerai prendre mon temps. Ça va être très éclectique. Vous me connaissez. Je suis plutôt dans les sonorités gnawa. Mais il n’y a pas que ça. J’ai le droit d’aspirer à plus de diversité. Musicale. Je suis très influencé par Amar Zahi que j’écoutais depuis mon jeune âge. J’aime beaucoup le chaâbi, le malhoun, le gnawa, le tadekelet, le style du Sud-Ouest algérien, le raï oranais, même la musique sahraouie, Khlifi Ahmed notamment, j’aime tout ce qui est algérien. En temps normal, vous le savez j’ai un faible pour le gnawa et le chaâbi en particulier.
Vous me disiez tout à l’heure qu’au départ dans le clip on voit une voyante et puis le clip s’enchaîne comme dans un rêve avec une succession d’images fantasmées?
C’est une vue de l’esprit. Je rentre chez une voyante je lui file un peu de henné et une bougie. Elle trace un Z et c’est de là que commence sa vision de la chose: je suis avec mes amis musiciens juste à côté du TNA parce qu’on a envie d’avoir un créneau pour répéter. On nous refuse l’accès et c’est comme ça qu’on rentre par les loges. On force la porte. Et là on tombe sur des filles qui répètent avant nous. Elles sont sublimes et magnifiques et c’est là où le coup de foudre commence. On est tous sous le charme. On a envie de leur amitié, de travailler avec elles sur le plan artistique, sans qu’il n’y avait d’arrière-pensée ou de vice.
Ce clip c’est vraiment un appel à la joie, à la bonne humeur et à la mixité bon enfant…
A la liberté de faire ce qu’on veut dans la vie. Il n’y a pas de message féministe et tant mieux. Pour moi Zaki Project, la femme n’a plus rien à prouver. Elle est maîtresse de son destin. Elle est partout et maintenant il faut juste aspirer à plus de liberté c’est-à-dire dans la vie. Laissez les gens choisir leur propre trajectoire professionnelle, artistique, etc. Je suis musicien, je me bats pour l’être. Je suis aussi journaliste et je me bats aussi pour essayer de m’imposer dans la corporation. Comment?
En travaillant avec une certaine liberté. Eh bien sûr, l’erreur est humaine et la critique est là pour nous rappeler à l’ordre.