Pour la moudjahida Zohra Drif-Bitat, la réaction du bureau politique du FLN à l’appel des 14 moudjahidine pour “libérer” le parti de la direction actuelle confirme que ses membres sont des “usurpateurs et des détourneurs”.
Visiblement profondément “touchée dans son être”, mais loin d’être “désespérée” ou “abattue”, la moudjahida et ex-vice-présidente du Sénat, Zohra Drif-Bitat, rencontrée, hier, à Alger, s’est expliquée sur l’appel des “14” pour “la libération du FLN”, mais a aussi apporté une réponse à la réaction du bureau politique de l’ex-parti unique. Celle qui a rejoint et combattu sous le FLN de la guerre de Libération nationale, alors qu’elle n’était encore qu’une jeune adolescente issue d’une famille pourtant bourgeoise et aisée, évoque d’abord un devoir de mémoire envers ses compagnons d’armes tombés au champ d’honneur. Car elle se rappelle, qu’à l’époque, “le Front de libération nationale était porté par le peuple” et qu’“il n’était pas question de mettre la main sur les caisses du FLN mais de travailler plutôt pour les renflouer”. Et cet engagement, précise-t-elle, “allait de soi puisque nous savions que nous devions tout au peuple réduit pourtant à la misère par la France coloniale”. Ce qui la choque donc aujourd’hui, c’est “de voir des personnes puiser des milliards dans le Trésor public et subtiliser l’argent du peuple au profit de leur propre personne”. Et au nom de qui ? Zohra Drif-Bitat regrette que ce soit “au nom de ce sigle qui a mené la guerre libératrice du pays”. Mais pourquoi donc avoir attendu aujourd’hui pour un tel sursaut ? L’ex-vice-présidente du Sénat dit que “le couteau a atteint l’os”.
Elle s’explique davantage : “Avant, on reprochait au FLN surtout son système de parti unique, l’absence de liberté, de démocratie, de droits de l’Homme, de droits de la femme, mais la direction du FLN d’aujourd’hui organise la rapine et tend à mettre le pays sous tutelle étrangère.” Zohra Drif-Bitat fait notamment allusion à la loi de finances 2016, mais aussi au nouveau code de l’investissement, lesquels, à son avis, “remettent en cause la souveraineté du pays” et, donc, l’“indépendance nationale”. Elle se rappelle, d’ailleurs, les déclarations de l’actuel secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, sur la question des causes sahraouie et palestinienne.
Pour elle, il s’agit d’“une remise en cause du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”, et, donc, d’“une remise en cause des principes fondamentaux et fondateurs du FLN”. Et qu’en est-il de la réaction du bureau politique du FLN qui s’est réuni en urgence, lundi, en l’absence du SG du parti, Amar Saâdani, en vacances à l’étranger ? Zohra Drif-Bitat dit “avoir vaguement parcouru leur communiqué”, mais elle retient que leur message voulait surtout dire “de quoi vous mêlez-vous ?”. Ce qui est, à ses yeux, “un grave précédent”, et avoue être tentée d’“en rire si la situation n’était pas dramatique pour le pays”.
Cependant, en réponse aux membres du bureau politique du FLN qui avaient souligné que les 14 moudjahidine signataires de l’appel ne sont pas militants dans le parti, elle rappelle “deux choses fondamentales”. D’abord, que “tous les Algériens ont le droit de se mêler de ce qu’il advient du FLN qui représente un patrimoine collectif et national”. Ensuite, que “plus que tout autre, les moudjahidine ont non seulement le droit mais aussi le devoir de s’en mêler, pour la simple raison qu’ils sont les fondateurs du FLN”. Et que la direction du FLN version Saâdani s’offusque aujourd’hui de l’appel des “14”, cela prouve, aux yeux de Zohra Drif-Bitat, “leur nature d’usurpateurs et de détourneurs”. Mais, peut-être, se pose-t-elle, enfin, la question que “cela fait partie du processus en cours de privatisation de l’État ?” Une chose est certaine, conclut-elle : “Il y a une appropriation des biens et du patrimoine des Algériens, y compris de ses instruments historiques de combat pour la libération.”