Zones de montagne : Un gisement de richesses peu exploité

Zones de montagne : Un gisement de richesses peu exploité

Les pouvoirs publics «ont toujours tourné le dos à la montagne». Contrairement aux régions du Sud et les Hauts-Plateaux, les zones de montagne, terreau fertile qui recèle d’énormes potentialités dans différentes filières, ne semblent pas susciter l’intérêt des différents gouvernements depuis des décennies.

 POURTANT, la création d’un fonds spécial pour la montagne a été prévue dans la loi du 23 juin 2004 relative à la protection des zones de montagne dans le cadre du développement durable. Le projet ne voit pas encore le jour. La population montagnarde, quant à elle, continue de résister. En l’absence de moyens, les différentes filières agricoles qui s’y font, notamment l’élevage, l’arboriculture, etc., sont peu exploitées ou se font de façon traditionnelle, voire archaïque. En outre, d’autres aléas ont fait que les zones de montagne vivent des situations beaucoup plus complexes, à savoir l’exposition aux incendies de forêt qui ont décimé de larges superficies de végétation et l’avènement du terrorisme qui a contraint les villageois à chercher refuge dans les villes. Les retombées directes de cette situation se sont répercutées sur les différents produits générés par l’agriculture de montagne. En d’autre terme, l’économie de montagne a été compromise.

Dans le massif du Djurdjura qui s’étend sur une superficie de 18 552 hectares (10 300 ha à Tizi Ouzou et 8 525 ha à Bouira), plusieurs parcelles jadis cultivées par la population montagnarde, sont actuellement abandonnées, notamment dans le flanc sud du Djurdjura. Les produits du terroir tant prisés par les touristes qui viennent dans la station climatique de Tikjda ne sont qu’un lointain souvenir. La célébration de la journée internationale de la montagne qui coïncide avec le 11 décembre ne doit pas passer comme un événement ordinaire. La chute des prix du pétrole et la crise économique qui s’en est suivie doivent constituer un point le départ d’une réflexion pour pouvoir faire des zones de montagne des endroits où l’on peut produire et vivre.

Le produit du terroir déprécié

Pour l’expert en développement, M. Akli Moussouni, la vision de l’économie de montagne doit outrepasser l’usage ancien de la montagne pour lui donner une nouvelle spécialité. «Quand on parle de la montagne, on fait allusion aux produits du terroir. Malheureusement, ce produit a subi une dépréciation, l’abandon par rapport à deux facteurs importants. Primo, c’est que le patrimoine de la montagne a été départagé par rapport au phénomène d’héritage, la population montagnarde a augmenté et le partage de l’héritage a fait que ce patrimoine a été morcelé à tel point qu’il ne représente pas grand-chose pour une famille donnée. Donc s’il ne représente pas un intérêt significatif, automatiquement on ne peut lui consacrer ni du temps ni de l’argent. Secundo, ce patrimoine a subi une dépréciation naturellement du fait qu’il n’a pas été entretenu.

C’est-à-dire que non seulement il était partagé mais on ne retrouve plus les oliveraies, les figuiers, le savoir-faire traditionnel d’antan », a souligné M. Moussouni qui a tenu à ajouter que l’économie de montagne «doit accaparer de nouveaux créneaux et filières économiques», à savoir le tourisme associatif qui est la clé de tous les tourismes. «Mais parler du tourisme dans ces conditions d’insécurité qui posent problème, des conditions d’archaïsme des infrastructures délaissées, d’absence d’organisation, je pense que ce n’est pas une utopie. C’est une filière à construire mais qui doit faire appel aux produits du terroir», estime-til.

Pas d’économie de montagne sans esprit de filières

Pour pouvoir construire des filières, l’expert en développement a mis l’accent sur le fait qu’elles puissent s’impliquer sans exclusion dans une économie de montagne et qu’il faut exploiter toutes les opportunités possibles. «La construction des filières obéit à des critères pertinents. Aucun projet ne peut être fait sans une vision, sans un esprit de filière. Une position que doit partager l’ensemble des acteurs qui y seront impliqués», a-t-il expliqué. Le développement de la filière du tourisme dans les zones de montagne doit se faire dans des conditions adéquates qui prennent en considération l’aspect environnemental. Car, estime l’expert, aucune économie de montagne ne pourra être créée dans un environnement insalubre. «L’écosystème a subi une dégradation dans bien des cas irréversible, incendies de forêt, pollution des cours d’eau, etc.

On ne peut pas ramener un étranger pour qu’il se promène entre des décharges sauvages», ditil. Ainsi, pour que les zones de montagne s’impliquent davantage dans la diversité, il faut qu’il y ait un catalogue qui puisse permettre aux touristes d’aller visiter des régions qui n’ont rien à voir avec la montagne. «On doit produire le produit de notre montagne mais dans un cadre naturel qui puisse apporter une curiosité à cet étranger qui va venir», souligne l’expert.

De notre bureau de Bouira :

Ali Cherarak