Reporters : Le coordonnateur de l’Instance nationale de dialogue et de médiation, Karim Younès, s’est dit optimiste, dimanche dernier, quant à la mise en œuvre des mesures d’apaisement qu’il avait déjà formulées au chef de l’Etat Abdelkader Bensalah dès son installation.
Quel commentaire faites-vous ?
Zoubida Assoul : Il ne faut pas oublier que Karim Younès s’est engagé devant le peuple algérien à se retirer du panel qu’il dirige dans le cas où les mesures d’apaisement exigées n’étaient pas prises et appliquées par l’Exécutif, et qu’il abandonnerait sa mission. Malheureusement, ces mesures que sont, entre autres, la libération des détenus d’opinion, la cessation des violences inacceptables à l’égard des manifestants, la levée des barrages à l’entrée d’Alger les vendredis et le départ du gouvernement ne sont pas encore appliquées. L’Instance, censée au départ travailler sur les moyens de faciliter un dialogue national inclusif, s’est transformée au fil du temps en une commission d’organisation de l’élection présidentielle. La preuve, c’est qu’il parle de textes de loi prêts et de la nécessité d’aller rapidement vers l’élection présidentielle. Dans l’esprit du pouvoir, c’est le maintien du système en place avec un changement de façade et du nom du président. Ce qui est en contradiction flagrante avec les revendications du peuple. Ce dernier sort depuis six mois pour exprimer son rejet catégorique et, d’une façon claire et solennelle, la rupture définitive avec le système en place. Les Algériens veulent aller vers un Etat de droit et des institutions de droit en assainissant et en changeant les règles de fonctionnement de la chose publique.
Que vous inspire l’abandon de la conférence nationale initialement prévue par le panel et l’éventualité de la convocation du corps électoral le 15 du mois en cours ?
Comme je l’ai dit, l’instance de dialogue de Karim Younès s’est transformée en une commission d’organisation de l’élection présidentielle. Karim Younès, malgré la non-satisfaction des mesures d’apaisement, est resté à son poste de coordonnateur. Par la suite, il a abandonné l’idée d’une conférence nationale, sous prétexte que plusieurs partis politiques trouvent inutile d’organiser une conférence nationale qui nécessiterait énormément de temps et d’efforts et qui sera, en finalité, une répétition des conférences qui ont déjà eu lieu. S’agissant de l’élection, je pense, en tant que leader d’un parti politique, qu’il n’y aura pas de scrutin dans les trois mois à venir pour la simple raison que le peuple rejette des élections avec les mêmes symboles de l’ancien régime et les mêmes pratiques de fraude et de trucage. Ce peuple refuse également la feuille de route de Karim Younès parce qu’elle n’est pas compatible avec les revendications du peuple. Les citoyens se sont suffisamment prononcés. Ils disent clairement qu’il ne peut pas y avoir d’élection avant que les symboles de l’ancien régime partent.
Sur un autre registre, le tribunal de Mostaganem a relaxé un porteur de drapeau berbère, après une détention provisoire de plus de deux mois, alors que ceux d’Alger attendent toujours à ce qu’on programme leur présentation devant le magistrat instructeur. Votre avis de magistrat ?
C’est simplement une justice du « deux poids, deux mesures ». Il est aberrant que dans le même pays, avec les mêmes règles de droit en vigueur dans toutes les juridictions, on relaxe des manifestants poursuivis pour le même motif d’exhibition du drapeau berbère à Mostaganem et Annaba, avec restitution des objets confisqués qui sont les drapeaux berbères et national, alors que ceux d’Alger sont dans l’expectative. Je fais partie du collectif de défense et je dénonce, encore une fois, le fait que les mis en cause soient gardés en prison. Je l’ai dit depuis toujours, le port du drapeau berbère n’a rien d’anti-algérien, ou d’anticonstitutionnel et ne constitue pas une infraction au code pénal. L’amazighité est constitutionnalisée, tamazight est une langue nationale et officielle. Considérer l’exhibition du drapeau berbère comme une infraction est abusif, voire illégal.